https://www.traditionrolex.com/25 Bukavu : Les vaches et les hommes se disputent les trottoirs

Bukavu : Les vaches et les hommes se disputent les trottoirs

Par 2015-07-29 09:07:18

[caption id="attachment_1602" align="alignleft" width="438"]La bouse est déversée dans la rivière où nous puisons de l'eau pour le ménage (Photo internet) La bouse est déversée dans la rivière où nous puisons de l’eau pour le ménage (Photo internet)[/caption]

 


 

En RD Congo, même si les campagnes proches de Bukavu sont plus sûres, certaines vaches restent en ville, occasionnant toutes sortes de désagréments. La patience des citadins est mise à rude épreuve, mais les sanctions tardent à tomber sur les propriétaires récalcitrants.


 

Il est 18 heures passé sur l’avenue non éclairée du Golfe dans la commune résidentielle d’Ibanda à Bukavu. Marcelline Bisimwa, vendeuse de braises au marché de Nyawera, serre fort contre elle ses deux enfants, par peur que des vaches les piétinent. Non loin de là, un taxi-motard freine brusquement. "J’ai déjà glissé sur la bouse et fait tomber un officier militaire", raconte-t-il.

Sur l’avenue Irambo, une vingtaine de bêtes s’apprêtent à dormir dans une étable. "L’odeur est dégoûtante. Et la bouse est déversée dans la rivière où nous puisons de l’eau pour le ménage", se plaint un voisin en se bouchant le nez et en dodelinant la tête.

Furieux, un autre riverain brandit les tubercules et les feuilles des patates arrachées dans son champ. A l’association Environnement ressources naturelles et développement (ERND), on maudit pareillement ces bovins qui auraient brouté 1 200 des 1 850 eucalyptus plantés fin 2007 par cette ONG pour lutter contre l’érosion sur une colline.

"Bukavu ne doit pas rester une ferme"

Si l’élevage des vaches fait des mécontents, ce n’est pourtant pas une nouveauté dans la capitale du Sud-Kivu. Cela aurait commencé dans les années 1970 sur les hauteurs de la commune de Kadutu, quand celle-ci n’était pas encore surpeuplée, avant de s’étendre à celle d’Ibanda, quand de grands commerçants ont fait venir leurs animaux. "L’homme tient à sa culture (vaches, bananeraies, Ndlr) et l’amène là où il va", explique un spécialiste du monde rural.

Les conflits ont accentué ce phénomène en raison de l’insécurité. Un habitant de Nyandja, un village situé à une trentaine de kilomètres de Bukavu, rappelle que différents groupes armés se sont acharnés, depuis 1996, sur les vaches qui restaient à la campagne : "Ils en ont volé dans plusieurs villages. Ils ont exterminé plusieurs fermes."

Mais à présent, les vaches qui restent sont plutôt celles de quelques notables qui affichent ainsi leur richesse… Pour beaucoup, ce qui pouvait se comprendre hier, ne se justifie plus aujourd’hui, alors que le calme est longtemps revenu dans les villages. Certains bovins ont ainsi retrouvé leur milieu naturel, mais pas tous. L’inspecteur provincial de l’Agriculture estime qu’il y avait plus de 2 000 bovins à Bukavu en 1998, pendant la guerre. Il vient d’en recenser 325.

Le 25 juin dernier, le maire de Bukavu, Prosper Mushobekwa, a écrit à plusieurs propriétaires pour leur interdire de faire paître leurs vaches dans le cimetière de Ruzizi, de les faire circuler en ville et de les loger dans des quartiers résidentiels. "Même s’il a hébergé du bétail fuyant l’insécurité pendant la guerre, le chef-lieu de la province ne doit pas rester une ferme", martèle-t-il.

Sanctions et discussions

L’inspecteur de l’agriculture estime que le maire devrait signer un arrêté précisant les sanctions encourues par les éleveurs récalcitrants. La loi prévoit en effet la confiscation des bêtes en divagation, la prise en charge par le propriétaire de cette "fourrière", une forte amende ou une courte peine emprisonnement.

Un responsable de la commune d’Ibanda, estime, de son côté, que les vaches continueront à se balader en ville tant qu’on n’osera pas demander des comptes à quelques intouchables. "Notre patron est en bons termes avec toutes les autorités. Il leur distribue du lait et de la viande fraîche", révèle le chef des bergers d’un de ces propriétaires.

Thaddée Hyawe-Hinyi


 

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