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Ubudehe, un exemple de lutte contre la pauvreté

Par 2015-09-01 11:16:13

[caption id="attachment_1825" align="aligncenter" width="828"]Laetitia Nkunda, Directrice générale de LODA (Photo archives) Laetitia Nkunda, Directrice générale de LODA (Photo archives)[/caption]


 

Conçu dans le cadre de réduire la pauvreté, le programme ” Ubudehe” offre aux citoyens, au niveau des villages (imidugudu), l’opportunité de planifier et de mettre en œuvre des projets de réduction de la pauvreté au niveau communautaire et individuel.

Par l’initiative du ministère de l’administration locale et des affaires sociales (Minaloc) et le ministère des finances et de la planification économique ( minecofin) il a été créé un programme Ubudehe dont la mission était de permettre à la population d’analyser la pauvreté et de participer à sa lutte

Lorsque le Rwanda a lancé la politique de décentralisation en 2000, après la période d’urgence, il a fallu inventer des stratégies qui permettront à la population de participer au développement du pays en se basant sur des pratiques culturelles existantes.

Le programme Ubudehe est l’une de ces stratégies qui visent à lutter contre la pauvreté et qui de plus, renforce la cohésion sociale si l’on tient compte de son essence originale.

Selon Espérance Uwimbabazi, Directrice du Département ”Ubudehe” au sein de l’Agence pour le Développement des entités administratives locales (LODA), ce programme a été conçu au moment opportun, après le génocide contre les Tutsi et le retour des réfugiés, en vue d’assurer la cohésion nationale et renforcer l’unité de la population rwandaise.

Ce programme a favorisé la participation des citoyens dans l’élaboration des politiques et la prise des décisions et l’amélioration de la transparence et la responsabilisation.

Pour atteindre ses objectifs, dit Uwimbabazi, le programme a adopté deux volets d’activités toutes communautaires, la première consistant à penser un projet dont le profit revient au village entier tandis que l’autre se penche sur un projet individuel qui profitera à celui qui aura été choisi par tous les habitants du village comme nécessiteux et capable de gestion.

Par contre, la personne bénéficiaire du projet individuel est redevable à la communauté entière car elle devra rentabiliser le projet et faire profiter en retour des fruits du projet à un autre membre de la communauté, ceci pour que l’activité soit rotative.

Depuis 2001, le programme Ubudehe a eu des résultats positifs, et c’est un programme dynamique en cours que l’on essaie d’adapter aux aspirations de la population.

Actuellement, 30 000 projets dans les 14000 villages du pays

Avec un financement de l’Union Européenne (UE) et du département britannique pour le développement international (DFID), le Programme a connu son démarrage dans l’ancienne Préfecture de Butare en 2001 et s’est étendu progressivement dans tout le pays de façon que depuis 2014 tous les 14000 villages du pays connaissent les activités de l’ubudehe.

Selon toujours Uwimbabazi, chaque village abrite plus ou moins 3 activités et au total, on comptabilise plus ou moins 30.000 projets actifs dans les 14000 villages du pays

Bien entendu, dans certains villages les projets ont été bien gérés de façon qu’ils ont été à la naissance de nouveaux projets.

Selon Uwimbabazi, les districts de Gakenke et de Nyabihu viennent en tête des ceux qui ont bien exécuté le Programme de l’ Ubudehe.

A titre d’exemple, un projet qui a abouti à l’achat d’un moulin ayant été bien géré a permis la création d’un nouveau projet d’approvisionnement en eau potable.

La vente d’eau a, à son tour permis de créer un projet de menuiserie, et cette économie de ramification n’a fait qu’augmenter le nombre de travailleurs avec de nouvelles créations d’emploi.

Dans le district de Kicukiro, de la Ville de Kigali, les projets du programme Ubudehe, ont permis également de faire démarrer d’autres initiatives d’intérêt communautaire.

Dans le secteur de Kicukiro, les recettes d’une borne fontaine ont été utilisées dans le financement de l’achat d’un terrain pour le bureau d’une cellule.

Madame Ancilla Nikuze a été parmi les bénéficiaires d’appui financier pour un projet de ménage. Avec 60 000 frws, elle a lancé la vente de charbon de bois au marché de Gikondo, et depuis son chiffre d’affaire n’a cessé d’augmenter.

Elle affirme qu’elle parvient à subvenir à ses besoins. ”Je paie la scolarité de mes enfants, je paie régulièrement la mutuelle de santé, en plus des autres besoins de la maison. Pour une veuve, Ubudehe a été salutaire pour moi.”

”Ubudehe” pour la responsabilisation des citoyens

Ceux qui sont chargés du programme Ubudehe avaient au départ l’ambition d’avoir un programme opérationnel dans tous les imidugudu ou hameau avec trois projets communautaires et trois projets de ménage.

La cohésion nationale poursuivie au début du projet a été atteinte bien que continue, et l’on compte deux Comités d’Ubudehe dans chaque village, à savoir ”le Comité Exécutif” et le ” Comité de surveillance” pour le projet communautaire.

Comme il se fait pour tout autre programme national, il ya la phase pilote et la phase d’exécution. La phase d’expérimentation du programme Ubudehe a eu lieu en 2001 dans l’ancienne préfecture de Butare (actuellement c’est dans la province du sud).

L’on a choisi 679 cellules (la plus petites entité administrative) et chaque cellule devait élaborer un projet communautaire de lutte contre la pauvreté et deux autres projets de ménage les plus pauvres. Un appui financier pour le projet communautaire de la cellule était 500 000 francs rwandais, alors que pour le projet ménage un financement était de 50 000 francs rwandais.

Dans la tradition rwandaise ancienne ubudehe signifie un travail exécuté par les habitants d’une même colline, en général c’était un labour du champ d’un voisin en une journée pour permettre au bénéficiaire de rattraper la saison agricole.

Ce dernier devrait offrir à ses voisins une bière traditionnelle dans une cruche. En plus du travail et son sens économique, c’était aussi une occasion de convivialité entre voisins et de renforcer les liens sociaux.

Selon madame Espérance Uwimbabazi, directrice du programme Ubudehe auprès de l’Agence pour le Développement des entités administratives locales (LODA) , on a puisé dans ce substrat culturel rwandais pour lancer Ubudehe moderne.

”La dénomination ubudehe traditionnelle a été une sorte de pierre d’attente pour le programme ubudehe moderne, une action qui vient de l’initiative de la population.”

Après la phase pilote, les résultats positifs obtenus, le programme ubudehe a été étendu à tout le pays. Depuis 2001 jusqu’en 2014, le programme ubudehe a utilisé une somme de plus de 21 856 000 000 Frw pour financer les projets communautaires au niveau de la cellule et plus tard au niveau de l’Umudugudu, actuelle petite unité administrative.

Ce montant a été destiné aux projets des ménages les plus pauvres choisis par la population elle-même. Ils diffèrent selon les lieux. Certains ont opté pour une borne fontaine, un moulin, une menuiserie, un atelier de soudure…

La catégorisation de la population pour exécuter le programme ubudehe

Selon Madame Espérance Uwimbabazi pour pouvoir déterminer ceux qui doivent bénéficier du programme de lutte contre la pauvreté au niveau des ménages et dans la communauté locale, il faut identifier ceux qui sont pauvres, ceux qui le sont moins et ceux qui sont riches.

Pour se faire une idée plus ou moins exacte du niveau de vie de chaque individu afin de mieux l’intégrer dans les différentes activités du Programme ”Ubudehe”, il a été procédé à la catégorisation des citoyens, laquelle a été revue plus d’une fois pour diverses raisons.

Ce fut tantôt l’appellation de telle ou telle catégorie qui affectait la susceptibilité des gens qui s’y retrouvaient (abahanya, umutindi buri buri, umuhirimbiri, umwinazi, impezamaryo,…), tantôt ce fut un problème de sensibilité linguistique car, tel critère qui signifiait ceci pour telle région naturelle du pays ne signifiait pas la même chose pour les habitants de telle à autre région (abakene, umukungu..) etc.

Au départ, les catégories se comptèrent au nombre de 30, mais il fut vite remarqué que nombreuses d’entre elles se confondaient et l’on aboutira plus tard à 6 catégories uniquement en 2008.

Ce sont ces 6 catégories qui portèrent des caractéristiques distinctives qui remuèrent des mécontentements pour certaines personnes selon la catégorie où elles se retrouvaient (1. abatindi nyakujya (tres démunis), 2. Abatindi (démunis), 3.abakene (pauvres), 4. Abakene bifashije (pauvres passables),5.Abakungu(fortunés),6.Abakire (riches).

Vu le caractère non mesurable des caractéristiques précédentes et la susceptibilité qu’elles provoquaient chez certaines gens, l’idée de révision vit le jour en 2013.

Le nombre des catégories réduit et les caractéristiques revues

Depuis 2001 jusqu’en 2014, il y avait 6 catégories de la population suivant leur niveau de richesse ou de pauvreté. Cette catégorisation a permis d’appuyer les plus indigents par l’assurance maladie, l’appui juridique, l’accès au prêt-bourse pour les étudiants.

En 2014, il a fallu reformuler les catégories pour en arriver à 4 catégories au lieu de 6 actuellement car depuis 2001 il ya eu des changements, tout se base sur la richesse monétaire et des biens.

Un élément plutôt important qui a milité pour cette réforme a été surtout l’évolution de la situation socio-économique du pays, comme le souligne Espérance Uwimbabazi.

La situation socio-économique qui prévalait en 2008 a complètement changé en 2013 et les choses avaient évolué positivement, ce qui a aboli la connotation sensible des appellations des catégories de l’Ubudehe.

Le Programme ”Ubudehe” connait des défis mais aussi des perspectives

Ils ont évoqué comme défi majeur le suivi de tous les projets car le Rwanda compte plus 14000 plus petites unités administratives et plus de 30.000 projets.

Dans un entretien avec la Directrice Générale de LODA qui a, en son sein, le Programme Ubudehe, c’est la population qui doit appuyer le programme et non l’inverse.

Selon Laetitia Nkunda ”la population doit réfléchir aux activités qui peuvent l’aider à sortir de la pauvreté et, par la suite, appuyer le Programme en soi”.

Un autre défi consiste dans l’insuffisance du budget alloué au financement des projets.

Jusque-là, le financement était accordé surtout par l’Union Européenne (UE) mais il est au bout et le Programme risquera de survivre grâce au financement du Gouvernement si le contrat n’est pas renouvelé avec l’UE, ce qui handicaperait certains projets.

Pour les projets individuels, la population ne respecte pas le caractère rotatif des acquis et imagine que c’est une aide qui leur a été accordée.

Concernant la catégorisation, il est question de régler, selon Uwimbabazi, que les critères s’appuient sur les autres éléments de la vie quotidienne tels que le poste occupé, le logement etc.

Au sujet des perspectives d’avenir, Laetitia Nkunda soutient que la sensibilisation de la population sur son rôle soit renforcée afin qu’elle comprenne enfin que c’est elle qui appuie le Projet.

D’autre part, Uwimbabazi, elle, souhaite que chaque village ait une bonne planification des activités en commençant par les priorités, et que le programme soit opérationnel dans tous les villages.

En 2008, le Rwanda a obtenu un prix des Nations Unis pour son programme ubudehe et sont rôle dans la lutte contre la pauvreté

Pascal Niyonsaba & Jean Louis Kagahe


 

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