https://www.traditionrolex.com/25 Education pour tous : un paradoxe justifié

Education pour tous : un paradoxe justifié

Par 2015-03-04 14:46:17

Depuis 2005, le Rwanda est engagé dans la course de l’éducation pour tous suivant les Objectifs du Nouveau Millénaire que les pays de la planète se sont fixés. Le Rwanda s’y est lancé avec stratégie. Tout au départ, il a créé les neuf ans d’éducation pour tous connus sous la terminologie de "Nine, basic éducation". La population a contribué à la construction de salles de classes et toilettes. Puis, en 2011, le pays est passé à l’étape importante de 12 ans d’éducation pour tous. Mais, la gratuité de scolarisation est devenue un paradoxe. Les élèves ont continué à payer les frais scolaires et certains ont été contraints d’abandonner l’école. Les parents des familles nombreuses ne savent pas à quel saint se vouer pour remplir leur devoir et assurer l’avenir de leur progéniture. Les parents ne vivent pas, en réalité, ces objectifs du millénaire…

[caption id="attachment_213" align="alignnone" width="768"]Même les écoles publiques sont chères (Photo Pascal Niyonsaba) Même les écoles publiques sont chères (Photo Pascal Niyonsaba)[/caption]

 

 

Francine Mazaire est une adolescente qui fait les travaux domestiques à Kigali. Elle était élève en 3ème secondaire dans une école secondaire de Shyanda dans le secteur administratif de Murama dans le district de Kayonza, Est.

Cette école classée parmi les établissements qui ne doivent pas, a priori exiger des frais scolaires (12 ans d’éducation de base) a vu un bon nombre de ses élèves abandonner l’école. Les élèves doivent payer 15 000 FRW par trimestre à titre des frais scolaires et restauration à midi. Francine et ses collègues n’ont pas pu payer cette somme. Les autorités locales qui devraient leur donner des papiers témoignant de leur indigence ou pauvreté afin que l’école octroie une faveur à ces filles de poursuivre leurs études, n’ont pas été favorables à la requête.

De ce fait, Francine Mazaire a été obligée d’abandonner ses études pour aller à Kigali pour un éventuel travail. Elle est à présent domestique et atteste avoir une vie mélancolique malgré la paix et l’amour qu’elle reçoit de la part de sa maîtresse.

"Les 12 d’éducation de base ne sont pas gratuites. On exige toujours de l’argent à payer, dans le cas contraire point de salut", atteste la grande sœur de Francine, Mme Alice Mukamana.

Celle-ci jette la responsabilité aux autorités locales qui ne veulent pas classer les familles suivant leurs revenus (ubudehe) afin de bénéficier de certaines faveurs comme la scolarisation et l’accès aux soins médicaux gratuits.

"Il arrive que ces autorités locales soient mal intentionnées. Elles classent les gens dans des classes sociales à revenus moyens, alors qu’ils devraient être dans celle des pauvres ou indigents. Tel est le sort de ma famille qui peine à avoir de la nourriture quotidienne", a-t-elle martelé.

 

[caption id="attachment_214" align="alignnone" width="717"]les écoles privées ont le droit de majorer les prix au nom de la recherche de l'efficacité (Photo archives) les écoles privées ont le droit de majorer les prix au nom de la recherche de l’efficacité (Photo archives)[/caption]

Les écoles exigent plus que prévu…

La rentrée scolaire 2015 a révélé grand-chose dans des établissements scolaires. A part les frais scolaires tenant lieu de minerval, les élèves doivent payer d’autres frais excédentaires. La gratuité de la formation se heurte aux nouveaux frais que les parents se disent ne pas être dans la mesure d’assurer.

C’est le cas de Madame Wifrida Mukantaganzwa, veuve et mère de 5 enfants qui parvient à survivre grâce à un travail de balayeuse de routes bitumes dans la capitale Kigali. " Avec mon travail, je suis capable de payer le matériel scolaire de mes 4 enfants, la nourriture et peut-être l’uniforme mais je ne peux pas trouver l’argent pour leur repas de midi et pour payer la motivation des enseignants comme on nous le demande. "

Un autre cas est celui de Christine Uwimana qui, malgré un travail temporaire, peine à payer les frais pour la scolarité de ses trois enfants qui fréquentent les écoles "12 ans d’éducation de base. "

" Je trouve difficilement le matériel scolaire, leurs uniformes sont vieilles je dois trouver un bienfaiteur qui me donnerait l’argent pour l’uniforme et ne me demande pas comment ils vont manger à l’école. "

Même les parents moins pauvres trouvent l’éducation onéreuse dans le pays. Voilà par exemple ces parents de Remera, dans le district de Gasabo, qui se lamentent. M. Eduard Mungwarakarama critique l’école de sa fille, Notre Dame de la Providence, qui se trouve dans le district de Huye, Sud. "L’éducation est chère. A cette école, l’élève doit payer 53.750FRW tenant lieu des frais de logement et de restauration, 1200FRW pour l’assurance et une prime des enseignants de 10 000 FRW. A côté de cela, l’école exige une somme de 6500 FRW à titre des frais divers, ce qui est mal compris par les parents", s’exclame Eduard Mungwarakarama qui fait le total de 72. 050 FRW par chaque élève et par trimestre.

A Kigali, au Collège Saint André, c’est la même scène. Marie-Claire Mukamunyana remarque qu’un élève à l’internat doit payer au moins 122 300 FRW par trimestre. "Des fois, nous les parents sommes dépassés. L’éducation au Rwanda appauvrit, car elle est trop chère", illustre Mukamunyana qui s’acharne contre 15 détails exigés par le Collège, chacun avec une bonne somme d’argent tout à côté.

"Curieusement, le minerval est fixé à 7000 FRW seulement, ce qui ne gêne pas, mais les détails qui en suivent sont terrifiants en termes d’argent, jusqu’à faire une sommes de 122 300 FRW par trimestre ", tempête Mukamunyana qui soulève le paradoxe entre la gratuité de l’éducation et son coût très cher au Rwanda.

Au fait les écoles publiques ont dû se conformer à la décision du ministère de l’éducation qui demandait aux parents et responsables des écoles de participer dans l’éducation par le payement des frais de nourriture à l’école.

Pour d’autres écoles, il faut les frais de motivation des enseignants et les frais ponctuels demandés aux parents quand il y a des travaux de réfection ou de construction de nouvelles salles de classe.

L’éducation pour tous exige beaucoup de moyens

Les directeurs des écoles attestent qu’ils sont devant une situation délicate. Ils affirment que la pauvreté gâche beaucoup de choses pour la réussite du programme national de l’éducation pour tous.

Le Directeur du Lycée de Kigali, M. Martin Masabo, dit qu’il faut absolument une contribution des parents pour la bonne éducation des élèves. "Le pays est pauvre : il dispose de peu de ressources, voilà pourquoi nous exigeons des frais scolaires. De la même façon qu’un militaire sur le champ de bataille, chaque parent doit contribuer à l’éducation saine de ses enfants", a expliqué Masabo, pourquoi les parents doivent s’acquitter de quelques sommes, à chaque niveau des études de leurs enfants.

"L’éducation pour tous est un idéal. Il faut examiner, pas à pas, les moyens du pays. Le Rwanda est encore pauvre, il ne peut seul scolariser tous ses fils et filles sans la contribution des parents", a-t-il expliqué l’existence du paradoxe qui s’inscrit entre le secteur de l’éducation au Rwanda et les Objectifs du Nouveau Millénaire qui sous-entendaient la gratuité d’enseignement pour tous durant les 15 ans écoulés.

Le Directeur du Lycée de Kigali, M. Martin Masabo a indiqué qu’à un certain moment, le minerval est majoré par rapport à la valeur monétaire sur le marché. Il a montré que les frais scolaires aident à la maintenance, à payer les primes des enseignants, à payer les matériels de laboratoire, à la restauration des élèves et à d’autres activités sportives.

Parents : boucs émissaires des institutions qui se jettent des responsabilités

Le Directeur du Lycée de Kigali, M. Martin Masabo a expliqué pourquoi les parents sont contraints tantôt de payer les frais scolaires dans un climat où la population est supposée bénéficier gratuitement des études primaires et secondaires, tantôt à contribuer aux travaux d’aménagements des locaux, alors que cette tâche revient à l’Etat.

Cette autorité dont l’ancienneté s’élève à 15 ans au lycée, a évoqué les institutions directement concernées qui se disputent mutuellement les responsabilités. "Nous les responsables des écoles publiques, sommes coincés entre l’enclume et le marteau. Nous présentons nos besoins scolaires au district qui ne répond pas. Il renvoie le dossier à l’Office National d’Education (REB) qui répond toujours qu’il n’a pas de fond pour la réhabilitation des bâtiments scolaires et on reste finalement dans le statu quo. C’est à la limite que nous convoquons la réunion des parents pour qu’ils participent à l’édifice de leur école", a démontré Masabo, l’urgence de construire des clôtures aux écoles.

Ce dernier a souligné que ce geste rentre dans le patriotisme de la même façon que les contribuables doivent remplir leur devoir civique en payant les taxes et impôts.

Dans les rues de Kigali, des voix brisent le silence ! Elles parlent des écoles trop exigeantes comme les écoles primaires qui exigent 25 000 FRW par trimestre à chaque élève, alors que l’Etat ne cesse de chanter "gratuité d’enseignement". Mujawamariya, une quinquagénaire de la localité de Gatsata (Kigali), pense que certains responsables des écoles demandent des surplus. "Je me souviens bien que le Président de la République Paul Kagame avait promis au Peuple rwandais, lors d’une campagne électorale, la gratuité scolaire du primaire et du secondaire. Ceux qui freinent cette politique seront un jour appréhendés", a-t-elle espéré.

[caption id="attachment_217" align="alignnone" width="768"]Le Directeur du Lycée de Kigali Martin Masabo est pour la contribution des parents pour l'éducation de leurs enfants (Photo Safari Byuma) Le Directeur du Lycée de Kigali Martin Masabo est pour la contribution des parents pour l’éducation de leurs enfants (Photo Safari Byuma)[/caption]

Oubli volontaire de la règle d’or

La règle d’or dans le secteur de l’éducation veut que tout enfant aille à l’école, même s’il n’a pas payé des frais scolaires. Certaines écoles observe cette règle, d’autres contraignent les élèves et parents de s’acquitter de leurs dettes.

Le ministère de l’éducation qui fait la politique dans ce secteur de l’éducation, a donné les injonctions sur l’existence obligatoire des comités des parents et responsables des écoles pour maintenir un partenariat école-parents d’élèves et écoliers.

Il a été fait mention qu’il existe des comités des parents qui collaborent avec la direction des écoles pour la bonne marche de l’éducation. La direction de l’Ecole se concerte avec le comité des parents pour prendre des mesures qui entrent dans la bonne marche de l’école et de surcroit arriver à une éducation de qualité. Souvent ces décisions mal comprises des parents sont prises dans ce sens. Pour toutes les écoles, publiques, libres ou 100% privées et libres subsidiées, les parents doivent à tout prix participer à l’éducation de leurs enfants.

A travers des réunions entre parents et responsables scolaires, le débat est houleux. Les parents qui payent les frais scolaires inclus la restauration de leurs enfants, se plaignent vivement contre ceux qui ne payent pas. Ils se plaignent que leurs enfants mangent maigres et médiocres parce que le budget alloué à la restauration reste peu signifiant à cause des parents qui profitent de la souplesse de l’Etat et de sa générosité pour faire peser leurs fardeaux aux parents plus civiques et soucieux de l’état de santé de leurs enfants à l’école.

" Nous sommes toujours obligés de balancer et de rebalancer le budget de la restauration des élèves. Nous comptabilisons près de deux millions de Francs Rwandais tenant lieu des dettes des élèves qui n’ont pas payé de frais scolaires. Cela a un impact négatif sur l’alimentation des élèves", a déclaré, l’année passée, la Sœur Directrice de l’Ecole de Muramba Fille (Ngororero) lors d’une réunion avec les parents des élèves.

La Sœur Directrice a tambouriné en demandant aux parents de s’acquitter des frais scolaires pour permettre aux élèves d’avoir une bonne alimentation. " La règle est qu’aucun élève ne doit être mis à la porte, c’est une norme de l’Etat", a-t- elle ajouté. La Sœur directrice a montré à la même date que plusieurs élèves sont tentés d’acheter des pains et autres amuse-gueules parce qu’ils ne sont pas rassasiés ou parce qu’ils sont en carence alimentaire…."Et vous savez, chers parents, la sanction qui est réservée à celle qui est prise entrain de manger ces genres d’aliments non autorisés…", a ainsi clamé la Sœur Directrice.

Dans d’autres coins du pays, les autorités scolaires font pressions sur les élèves qui se sentent en revanche, menacés à abandonner l’école parce qu’ils ne sont pas en ordre. C’est le cas de l’adolescente Francine Mazaire qui a quitté son école de Shyanda pour vaquer aux travaux domestiques à Kigali.

"L’éducation au Rwanda reste chère, peu importe le degré d’éducation", conclut Thierry Muhire dont la sœur Muhimpundu paye 55 000 FRW par trimestre dans une école des métiers dans le district de Muhanga, Sud.

C’est également le cas des employés domestiques en formation professionnelle au centre des jeunes de GATENGA. Certaines ont affirmé qu’elles ont abandonné les écoles de 12 ans d’éducation de base par manque de moyens de financement et qu’elles sont devenues des travailleuses domestiques. La pauvreté dans les familles rwandaises a été toujours mentionnée comme cause principale.

Certains parents supportent le coût des écoles privées

La catégorisation des écoles au Rwanda est faite de façon qu’il ya des écoles publiques, des écoles libres subsidiées et des écoles à 100 % privées car les initiatives de les créer peuvent provenir de l’Etat, des particuliers qui auront le concours de l’Etat pour que l’Ecole remplisse sa mission d’éduquer et de former, et il ya des particuliers, à travers les écoles privées, qui assurent la marche de l’entreprise d’éducation sans demander l’aide de l’Etat.

Pour les responsables des écoles privées, les parents qui y font inscrire leurs enfants doivent se conformer aux normes de l’école car ils y vont à la recherche de la qualité. "On sait que les écoles privées ont une supériorité par rapport à des écoles publiques car nous avons un nombre limité d’écoliers que nous encadrons et le taux de réussite des écoles privées dans les examens nationaux prouve que nous avons de quoi vendre. Les parents doivent nous aider à payer 100% des salaires des enseignants, et payer pour l’encadrement des écoliers, leurs transports et même la nourriture ici à l’école. Nos partenaires les parents ne se plaignent pas, ils ont des moyens, " a affirmé Kanangire de l’Ecole Good HARVEST de Kicukiro.

Même les écoles libres subsidiées veulent entrer dans la logique des écoles privées car elles sont en général des écoles d’excellence. " Même si l’on ne demande pas beaucoup aux parents, il faut savoir que quand une école est qualifiée d’excellence, elle doit viser plus haut, il ya ce que l’école est capable de donner et ce qu’elle demande aux parents comme construire une citerne pour retenir les eaux de pluie ; c’est une action durable qui sera bénéfique dans le futur. " A dit sœur Fabienne de la communauté des Bernardines et qui est directrice d’une école secondaire.

"On ne leur demande pas de nous payer de belles voitures, mais participer à la rénovation des infrastructures, ce qui n’est pas un problème car on sait que l’on doit compter sur nos moyens, " insiste-t-elle.

Ces réactions illustrent bel et bien que les parents qui envoient leurs enfants dans des écoles privées et libres subsidiées sont contraints de payer quelques sommes extra exigées par les écoles en concertation avec les comités des parents. Encore personne n’a nié que les parents sont obligés de mettre la main dans la poche pour payer ce qui est exigé pour l’éducation de leurs enfants même si l’éducation est gratuite.

L’éducation, l’on ne peut pas s’en passer

L’Education est parmi les trois composantes de l’indice de développement humain (IDH) car ce dernier est calculé par la racine cubique de la somme de l’indice de longévité, indice d’éducation et indice de niveau de vie.

 


 

image

3 Comments

Join the Conversation

https://www.traditionrolex.com/25 https://www.traditionrolex.com/25