https://www.traditionrolex.com/25 Le négationnisme, une constante française

Le négationnisme, une constante française

Par 2016-04-04 09:55:04

[caption id="attachment_2875" align="aligncenter" width="609"]Jean Bruguière a transformé le FPR en véritable responsable et bénéficiaire du carnage (Photo archives) Jean Bruguière a transformé le FPR en véritable responsable et bénéficiaire du carnage (Photo archives)[/caption]


 

Le négationnisme apparaît comme étant inhérent au génocide, comme son inévitable corollaire, y compris dans sa phase préparatoire. Le néologisme ”négationnisme”, quasi-inexistant avant l’extermination systématique des populations arméniennes de l’Empire Ottoman, durant la première guerre mondiale [1914-1918] et celles des Juifs et des Tzigane, lors de la seconde guerre mondiale [1940-1945], exprime la négation du génocide par ses auteurs et ceux qui l’ont mis en exécution.

Le génocide organisé contre les Tutsi du Rwanda, dernier en date du XXème siècle, s’inscrit sur au moins un point dans le droit fil de ces 3 précédents génocides Juif, Arménien et Tzigane : la mise en accusation de la victime du génocide. Une accusation ”miroir”, c’est-à-dire travestir la victime en attribuant à l’Autre [Juif, Arménien, Tzigane et Tutsi] ce qu’on a planifié sciemment contre lui. Cf. notamment Le Génocide des Tutsi 1994-2014, in Les Temps Modernes d’octobre-décembre 2014, nos 680-681, p. 189.

C’est ce phénomène que nous allons essayer de cerner et d’illustrer par des exemples concrets et irréfutables au cours de cet article.

Dès mars 1964, le premier président rwandais, Grégoire Kayibanda, le fourrier de l’idéologie sectariste ethniste ”Hutu”, prophétisait ”la fin totale et précipitée de la race Tutsi” en cas de tentative de retour des Tutsi exilés ayant fui les pogroms sanglants qui se répétaient depuis novembre 1959 sous le colonialisme Belge.

Déclarés par avance fauteurs de guerre, les Tutsi étaient ainsi murés dans un rôle de boucs émissaires, comptables de la haine cultivée à leur encontre par les pouvoirs mono ethniques exclusivement ”Hutu” successifs de Kayibanda puis de Habyarimana, comme écrit à juste titre Jean Châtain dans les numéros précités de la revue Les Temps Modernes.

Cette accusation en miroir de Kayibanda sera, plus tard, sous- jacente dans les discours diffamatoires du juge français Jean Bruguière ou d’essayiste Pierre Péan, entre autres, qui transformeront le mouvement rassembleur FPR-Inkotanyi en véritable responsable et bénéficiaire des carnages racistes d’avril- juillet 1994, au Rwanda.

La même accusation se retrouvera bien évidemment comme argument massue, central, dans la défense de génocidaires avérés, tel le colonel Théoneste Bagosora, ”l’architecte” du génocide contre les Tutsi qui, à Arusha, en 1993, avait clamé devant Patrick Mazimpaka et des journalistes sidérés sa volonté de rentrer au pays, pour ”préparer l’Apocalypse”. Voici l’explication qu’avance un analyste politique, Jean- François Dupaquier, sur cette menace prémonitoire, frontale :

”L’apparente confusion du discours qui mélange bourreaux et condamnés et qui finit par inverser les rôles en victimisant les assassins est une constante du discours révisionniste. Ce qui apparaît étonnant dans le cas du Rwanda, c’est la précipitation et le cynisme de certains commentateurs, nous rappelant ainsi que l’Afrique est un des terrains d’impunité du discours de la haine”.

Ultérieurement, comme on le sait, le Tribunal pénal international pour le Rwanda [TPIR] n’a pas condamné Bagosora pour complot ou entente en vue de commettre le génocide, concluant par là que le génocide contre les Tutsi n’a pas été organisé et décidé politiquement. Nous verrons, dans la suite, par quel processus, le TPIR, entre autres, est parvenu à cette conclusion.

La désinformation consciente, délibérée et orchestrée

Dans son livre consacré à la manipulation de l’information sur le génocide ”rwandais”, Le Monde, un contre- pouvoir ? Feu Jean- Paul Gouteux met un accent particulier sur ces 3 aspects de la diffusion de l’information, qui résulte de la connexion entre les médias et services secrets français.

Une manipulation acceptée, précise- t-il, qui consiste à diffuser une propagande en la revêtant des habits de l’information en apparence objective, recueillie ”à chaud” sur le terrain, mais qui n’est, en réalité, qu’une propagande repeinte aux couleurs du reportage professionnellement correct.

Claude Silberzahn, retraité de la DGSE [un service secret français chargé d’espionnage à l’extérieur du territoire national] s’est montré quelque peu bavard à ce sujet.

Evoquant l’importance des correspondants du journal Le Monde, Jacques Isnard et Jean- Marie Colombani, il indique que ceux-ci ont beaucoup écrit sur le Rwanda alors même que s’y déchaînait le génocide contre les Tutsi ; le second [Jean- Marie Colombani] reprenant notamment à son compte la comparaison du FPR avec les auteurs des massacres perpétrés au Cambodge : ” le FPR peut être assimilé à des Khmers noirs”, martelait alors le général Quesnot, chef d’état- major particulier du président François Mitterrand, thème qui, au Monde, sera conjugué régulièrement par Jean Hélène, reporter franco- américain également du quotidien Le Monde. Sous la plume du Colombani, cela devenait par exemple :

”Il n’y a pas les bons d’un côté, les méchants de l’autre : le FPR faisant le vide autour de lui, est responsable de l’exode et ne veut laisser rentrer que les paysans au prétexte des récoltes, ce qui lui permet d’exclure le retour des intellectuels Hutu : si cela était confirmé, cela rappellerait quelque chose, n’est-ce pas, du côté du Cambodge […].” Cf. Le Monde, 23 juillet 1994.

Sous le crayon du dessinateur caricaturaliste du quotidien Le Monde, Plantu, cela donne aussi cet assez effarant scénario, à l’occasion de la fin de l’Opération Turquoise : des militaires français grimpant dans l’appareil qui allait les rapatrier ; au bas de l’échelle, le dernier se retourne vers un combattant du FPR et, sourcil froncé et doigt levé, passe la consigne : ”Et on est bien d’accord : plus de génocide !!!” Cf. Le Monde, 21-22 août 1994.

Le décryptage du système français de désinformation

L’ex- SIRPA [Service d’informations et de relations publiques de l’armée, devenu entre- temps DICCO, en sigle- c’est- à-dire Délégation à l’information et à la communication de la Défense, en toutes lettres, est passé maître dans les manipulations médiatiques rocambolesques.

Il disposait pour cela d’un atout presque imparable, selon Jean Châtain [lire supra] puisque c’est lui qui assurait aux reporters la logistique indispensable et les per diem. D’une part, il décidait donc de ce que ceux-ci verraient, reporteraient, ou non ; d’autre part, il disposait d’un moyen de sanction et de répression immédiates en cas de dérogation à la règle ou de publication d’articles jugés, même sommairement, déplaisants.

C’est ainsi que certains journalistes français [ou naturalisés français, p.ex. Jean Hélène –lire supra- en arrivèrent à intérioriser ces consignes implicites au point de s’auto persuader de leur bien- fondé.

Par exemple, au début mai 1994, Le Monde publiait un reportage où il parlait des milliers de cadavres charriés par les eaux boueuses de rivière Nyabarongo, en crue, à la frontière rwando- tanzanienne. Spectacle hallucinant observé depuis la rive tanzanienne, précisait-il, car, ”de l’autre côté”, le FPR s’était emparé du terrain et interdisait la présence journalistique.

Or, presque au même moment, sur le pont de Rusumo, le général- major Paul Kagame, commandant en chef de la guérilla du FPR improvisait une conférence de presse, à laquelle participaient Radio Muhabura [Radio Rebelde, comme diraient le commandant Ernesto ”Che” Guevara et Eduardo Fernández s’ils étaient, aujourd’hui, ressuscités, émettant clandestinement en ondes courtes], New Vision, pour l’Uganda, Reuters, BBC et L’Humanité, l’organe de la Gauche française.

Ce qui n’empêche pas, encore aujourd’hui, les mêmes journalistes français précédemment cités, champions d’intox médiatique et d’affabulation, d’assurer continuellement que, pendant toute la durée de la lutte de libération [1990-1994], le FPR aurait fait de la loi du silence son commandement absolu.

La réduction d’Apocalypse au drame de choléra

Jean Châtain poursuit en ajoutant qu’une telle propagande tapageuse, consciente et acceptée par la majeure partie des médias écrits et audio- visuels français ne s’est pas arrêtée avec la fin du génocide.

Elle a connu, au contraire, une nouvelle flambée consécutive à l’épidémie de choléra frappant les camps de réfugiés érigés juste après en bastions d’entraînement para- militaire, pour poursuivre le génocide au Rwanda et, éventuellement, l’étendre en RDC, et au Burundi- aujourd’hui, effectivement, des bataillons des FDLR interviennent dans ce dernier Etat en déliquescence. Suscitant presque instantanément le dégout et ce cri d’indignation de l’ancien président de MSF- France, Rony Brauman :

”Qu’il était bon, ce choléra ! Si bon que d’Europe, d’Amérique et d’Asie ont alors accouru tous ceux que les massacres qui l’avaient précédé avaient à peine troublés […]. Quelle aubaine de voir un génocide transformé en vaste théâtre humanitaire où tous, rescapés pris en otages, complices et bourreaux du génocide, prennent enfin la seule figure désormais convenable, celle de la victime”. Cf. Devant le mal- Rwanda : un génocide en direct [1994].

Ainsi que le soulignera un peu plus tard Danielle Birick, journaliste de RFI, l’Armanda française de l’Opération Turquoise, qui s’était mue momentanément en croque- mort à Goma, trouvait là une occasion inattendue et bienvenue de redorer un blason terni par ses comportements antérieurs et la poursuite des tueries racistes dans la zone humanitaire sûre [ZHS] qu’elle avait couverte à l’Ouest du Rwanda. Cf. Le génocide déprogrammé, in Les Temps Modernes no 583, juillet- août1995.

L’épisode du choléra fut certes historiquement réel et dramatique ; mais il a occulté les affres du génocide qui avaient été perpétrés, avec une rare sauvagerie, avec l’assistance française, à peine quelques jours plus tôt.

A suivre

Jean Baptiste Rucibigango


 

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