https://www.traditionrolex.com/25 Le négationnisme, une constante française

Le négationnisme, une constante française

Par 2016-04-12 06:33:44

[caption id="attachment_2929" align="aligncenter" width="725"]Le Conseil de sécurité a réduit l'effectif des forces de la MINUAR en plein génocide sous l'instigation de la France (Photo archives) Le Conseil de sécurité a réduit l’effectif des forces de la MINUAR en plein génocide sous l’instigation de la France (Photo archives)[/caption]


 

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Le mutisme sur les faits essentiels concernant le Rwanda

Relais obligés de la propagande officielle, la plupart des médias français tombent aussi, souvent, dans le piège de refus d’informer objectivement.

Ainsi une date essentielle est régulièrement ignorée par la majorité des chronologies qui y sont publiées : le 21 avril 1994, au cours du premier mois d’un génocide qui allait se prolonger sur une centaine de jours, le gouvernement français incitait le Conseil de sécurité de l’ONU à voter la résolution 912, par laquelle les effectifs de la MINUAR furent réduits à une force symbolique de 270 hommes.

En revanche, ces mêmes médias ont servi de caisse de résonance aux déclarations mensongères ultérieures, d’origine gouvernementale française, assurant que Paris avait été ”seul à plaider pour le maintien des Casques bleus au Rwanda et à réclamer des renforts”. Cf. Le Monde, éditorial du 31 mars 1998. Et face à cette contre-vérité flagrante, presque personne n’a éprouvé, en France, le besoin de regarder de près les faits réels et objectifs.

Un autre exemple plus récent : fin de l’été 2007, le parlement rwandais a adopté une loi d’abolition de la peine de mort. L’AFP n’a alors consacré aucune dépêche un tant soit peu fouillée sur cette abolition qui reformait fondamentalement la justice rwandaise.

Le refus d’extradition des criminels de génocide par Paris n’était plus justifié par le motif que le Code rwandais maintenait la peine de mort et que la Loi française interdit l’extradition de toute personne susceptible de se la voir infligée.

Ainsi, par exemple, la justice française ne pourrait plus étayer le refus d’extradition de Wenceslas Munyeshyaka, aujourd’hui curé en Normandie, par aucun argument formel.

La systématisation des techniques de manipulation dans le cas du Rwanda

La tactique de mutisme observée, ci- haut, peut en outre se doubler, si nécessaire, du recours au mensonge pur et simple. Le Rwanda, certes pays francophone, ne fait pas partie de l’ancien ”pré carré” français, la seule aire géographique et culturelle que les ” spécialistes” de la presse écrite, de la radio et de la T V, connaissent personnellement. Au point qu’en avril 1994, ils furent nombreux à vérifier sur un atlas où se trouvait exactement ce pays sur lequel ils devaient s’exprimer toutes affaires cessantes.

Il faut dès lors parler de désinformation par la mise à profit de l’inculture journalistique dans ce cas précis. Or, ils se trouvaient dans l’obligation d’écrire/ ou de parler sur un pays dont, généralement, ils ignoraient tout encore la veille !

Dès lors, il devenait facile de leur tenir la plume ou le micro, tout en leur permettant de préserver, au minimum, intacte leur image de marque de ”connaisseurs spécialisés”- mais en veillant en même temps à leur donner la tournure d’une analyse personnelle.

D’où un nombre impressionnant d’inepties, dont celles-ci mettant l’accent sur l’antagonisme atavique entre ”Hutu” et ” Tutsi” : ” Comme les Capulets et les Montaigus, les Hutu et les Tutsi ne s’aiment guère”. Cf. Le Monde du 7 octobre 1990.

Ainsi, des lieux communs en guise de commentaires ethnicisant, de façon radicale, la société rwandaise se poursuivirent jusque pratiquement à ce jour. Dix fois par jour on vous répétait que les ” Hutu” sont majoritaires et les ”Tutsi” minoritaires et que les guerres Hutu-Tutsi remontent à la nuit des temps, en évitant soigneusement de rappeler que les premiers pogroms racistes ne datent que de novembre 1959, en pleine période de domination coloniale Belge, lors de la contre- révolution dite de ”Muyaga”.

Dix fois par jour également, l’AFP vous ressassait la lecture de ses dépêches, où il était invariablement indiqué que Paul Kagame était le ”général Tutsi” ; par contre les rares fois où elles faisaient allusion au colonel Alexis Kanyarengwe, président du FPR, elles gommaient le fait que lui-même était Hutu.
Pas étonnant que les médias, en particulier français, aient entonné le refrain d’une confrontation ethnique permanente, malédiction primitive du monde noir Africain, incompréhensible pour ceux qui se réclament de la logique moderne Cartésienne.

La clé de la paix assurait alors Paris, pourrait être entre les mains de ceux qu’il appelait les ”Hutu modérés”, situés quelque part entre les Hutu extrémistes du gouvernement autoproclamé, avec l’aval français, le 8 avril 1994, et les Tutsi du FPR qu’il considérait, à priori, comme étant ” assoiffés de revanche” [sic].

Selon le chercheur Jean- Pierre Chrétien, retraité du CNRS, la substitution de la qualification ” modéré” à celui de ”démocrate” tout court n’est pas innocente.

Elle contribue à vider l’analyse du génocide et de la guerre civile hyperbolique, c’est-à-dire totale, menée par l’ancien régime génocidaire rwandais, pour les réduire à une dimension strictement ” ethnique” dont, encore une fois, l’apparition se perdrait dans la nuit immémoriale. Et contre laquelle personne ne pouvait et ne peut toujours rien.

Cependant, entretemps, par la culture politique de la formule de gouvernement d’union nationale et la promotion d’une nouvelle citoyenneté ”NdiUmunyarwanda”, le Rwanda Nouveau a pu relever ce redoutable défi.

La méconnaissance indigente des réalités rwandaises et africaines en toile de fond

Ainsi que le note Jean Châtain, des années après le génocide, certains officiels français maintienne toujours, imperturbablement, le même langage que durant la période d’avril- août 1994.
Témoin, Le Retour du Mwami, un ouvrage rédigé par Bernard Debré, ex-ministre de la Coopérative lors de l’Opération Turquoise, sous-entendu par une dénonciation de la ”conspiration tutsi” [resic], qui confine à l’obsession et à la paranoïa.

La désinvolture envers la réalité y est absolument totale. Ainsi de la charge contre l’accord de paix d’Arusha [”Arusha Peace agreement”], signé par le gouvernement rwandais et le FPR, le 4 août 1993, que Debré considère comme pouvant conduire à la paralysie politique et institutionnelle étant donné que le premier ministre désigné, dans cet accord, était ”Tutsi”.

Cette affirmation est entièrement fausse : Faustin Twagiramungu s’est toujours dit ”Hutu”, membre du Mouvement Démocratique Républicain [MDR], formation issue de l’ancien parti Fasciste PARMEHUTU de Grégoire Kayibanda, dont il est un beau-fils. Dans l’attente de l’application pleine et entière d’accord de paix d’Arusha, l’intérim à la primature était assumé par Agathe Uwilingiyimana ; elle aussi venait du MDR et se réclamait d’appartenance ” ethnique” Hutu.

Elle fut lâchement assassinée par la Garde Présidentielle (GP), à l’aube du 7 avril 1994, et le MDR, incapable de transcender ses dissensions idéologiques internes fut ultérieurement dissous.

Le prestige de ”spécialiste’ des Grands Lacs dont se targue Bernard Debré ne repose sur rien, puisque dans son autre ouvrage, également un brûlot, La Véritable Histoire des génocides rwandais [2006], il nous apprend que l’actuel chef d’Etat de la RDC, Joseph Kabila Junior serait le frère de son prédécesseur Laurent- Désiré Kabila ! Et il ne s’agit pas là de coquille commise par l’impression du texte original déposé chez son éditeur, Jean- Claude Gawsewitch, à Paris.

Le pic des provocations négationnistes françaises

L’exemple extrême du négationnisme du génocide est incarné par le discours sulfureux du livre ”Noires fureurs, Blancs menteurs [2005]” de Pierre Péan, où l’auteur en arrive à soutenir que le nombre de victimes Hutu fut supérieur à celui provoqué par les massacres de familles Tutsi.

Ces derniers sont par ailleurs analysés non comme un génocide organisé, planifié, mais comme la conséquence des réactions d’affolement et de colère ” spontanée” des populations Hutu majoritaires suite à l’attentat contre l’avion d’ex- président Juvénal Habyarimana.

Enorme tissu de propos de table et d’attaques personnelles ciblées, cet ouvrage reçut pourtant une campagne de promotion exceptionnelle lors de sa parution.

En guise de réfutation des travaux de recherche de Jean- François Dupaquier ou de Jean- Paul Gouteux sur le génocide de 1994 au Rwanda et sur les responsabilités françaises en ce domaine, Péan déclare en substance que ces 2 hommes sont d’une partialité flagrante, puisque chacun est ”marié avec une Tutsi”.

Leur mauvaise foi est donc patente, au point qu’il lui apparaît inutile d’entrer dans le détail des documents présentés et analysés par leurs écrits sur lesquels il entend jeter l’anathème.
Même attaque frontale contre le général canadien Roméo Dallaire, commandant de la MINUAR pendant le génocide de 1994 : ce dernier n’aurait pas été indifférent, non plus, au charme des femmes Tutsi, que vaut dès lors son témoignage ? Ecrit Péan.

En outre, au fil des chapitres, le lecteur a droit à de multiples petites phrases Polémiques sur la jalousie et la mesquinerie supposées de Bruxelles envers Paris. ” C’est bien connu, polémique Péan : par essence, le Belge est perfide”. Surtout lorsqu’il est question de l’Afrique des Grands Lacs où il fut historiquement en compétition avec l’impérialisme français.

La théorie grossièrement erronée du ” double génocide”

La volonté de laver, à tout prix, le gouvernement français de tout soupçon de complicité de génocide perdure jusqu’aujourd’hui, et l’on n’en prévoit pas le temps où elle aura cessé. Il suffit pour cela de compulser les quelques mentions faites au génocide dans plusieurs manuels scolaires publiés en France, depuis 1995, à des fins pédagogiques.

En atteste aussi la profusion d’articles ayant pour sujet la thèse du ” double génocide” multipliés par les gouvernements successifs français, de Droite et de Gauche. Notre contemporain, le philosophe Sénégalais Boubacar Boris Diop, constate : ”Le génocide rwandais [plutôt Tutsi, NDLR] est sans doute le seul qu’on nie en le dédoublant […]. Est- il donc si difficile d’admettre que le génocide de 1994 a été l’œuvre d’hommes politiques rwandais connus, soutenus- en particulier- par des hommes politiques français bien identifiés ?

Si l’on parle de ces derniers, ce n’est pas pour leur faire partager à tout prix cette culpabilité. Il se trouve juste que ces Non- Africains tenaient le Rwanda, qui était tout sauf un pays indépendant. A notre époque, chacun sait tout de même ce que cela signifie. Prétendre le contraire, c’est se moquer du monde […]”. Cf. B.B. Diop, L’Afrique au- delà du miroir [2007].

Il faut se souvenir, en effet, qu’à la mi-juin 1994, alors que le génocide anti- Tutsi battait son plein, Edouard Balladur, le premier ministre français de la cohabitation, déclarait que ”le Rwanda est un Etat à souveraineté limitée”.

Le scénario imaginaire des carnages réciproques perpétrés par les ”Hutu” et les ”Tutsi” avait été lancé, en prime time, par l’hebdomadaire français L’Evènement du jeudi, plus tôt, dès le 20 avril 1994, date à laquelle il s’était inquiété de ce qui adviendrait si le pouvoir organisateur de l’extermination ”ethnique” finale anti- Tutsi perdait la guerre civile qu’il avait relancée.

Au cours des années postérieures au génocide, certains médias français s’acharnèrent à enfoncer le même clou. Début 1996, Stephen Smith-selon une information documentée par Jean Châtain, op.cit., p. 2005- a publié une ”enquête” sur une soi- disant ”terreur Tutsi”, où il proclamait que ” plus de 100.000 Hutu auraient été tués depuis avril 1994”.

Un document photographique choc venait en l’occurrence moins étayer l’accusation diffamatoire qu’éclairer la déontologie du journaliste : des enfants ”Hutu” affalés sur le sol et, en premier plan, une manche d’uniforme et le fusil d’assaut AK- 47 pointé sur les gosses.

Avec un accompagnement de légende qui disait : ”Des soldats Tutsi sur les corps des victimes à Kibeho”. Or, l’uniforme ostensiblement exhibé était, en réalité, celui d’un Casque bleu de la MINUAR et non d’un militaire d’APR ! Mais peu importait au journal Libération, qui estimait que le lecteur français serait bien incapable de faire la distinction…

A suivre

Jean Baptiste Rucibigango


 

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