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L’extension régionale du génocide anti-tutsi

Par 2016-04-26 10:15:48

Les rebelles du M23 qui sont nés suite à la non application des accords entre la RDC et le CNDP (Photo archives)

Luigi Elongui, journaliste depuis les années 1990 au Nouvel Afrique Asie et rédacteur en chef d’Agence d’Information, à Paris, écrivait, le 20 novembre 2012, ceci : « les troupes de l’Armée Révolutionnaire Congolaise [ARC], aile militaire du Mouvement du 23 mars [M23] en rébellion contre le gouvernement de la RDC, font leur entrée à Goma, capitale provinciale du Nord- Kivu. La prise de la ville se fait sans effusion de sang : les soldats de l’armée « loyaliste », démotivés et impayés, quittent les lieux après quelques pillages et les Casques bleus préfèrent ne pas croiser le fer avec un ennemi bien organisé et armé par le matériel pris aux forces régulières pendant les affrontements précédents ». Cf. Les Habits neufs de l’Empire- Guerre et désinformation dans l’Est du Congo [2014], p.21.

La vision du M23, présentée peu de temps après le début de son insurrection en avril 2012, reprenait à la lettre des Accords de l’Hôtel Ihussi de Goma signés conjointement par les représentants du régime du président Joseph Kabila, alors à son premier mandat, et les délégués du Congrès national pour la défense du peuple [CNDP] en date du 23 mars 2009- d’où l’acronyme M23 de la nouvelle rébellion.

Celle- ci était le fait des anciens cadres politiques et militaires, aguerris, du CNDP, et ses causes demeuraient dans la non- application des dits Accords. Ces derniers prévoyaient, entre autres :

1. le rapatriement des réfugiés Congolais, pour la plupart des Tutsi, des camps quasi- permanents de Gihembe, Kiziba, Gatsibo, Kigeme et Mukamira au Rwanda et d’autres éparpillés au Burundi, en Uganda et un peu partout en Occident, surtout en Belgique, aux USA et au Canada ;

2. le démantèlement des rebelles des FDLR, dont les hautes hiérarchies militaires ont trempé dans l’horrible génocide de 1994 au Rwanda, et poursuivaient leurs menées néo- génocidaires contre les populations Congolaises du Nord et du Sud- Kivu, depuis environ 20 ans ;

3. l’intégration au sein des FARDC- Forces Armées gouvernementales de la RDC- des cadres politiques et militaires issus de la rébellion ;

4. la réforme radicale des FARDC et du service de renseignements Congolais [RSS], afin de sécuriser les populations civiles, sans discrimination, et d’assurer l’intégrité territoriale de la RDC, et d’agir efficacement contre les agissements illégaux des bandes armées, notamment les FDLR et ADF- Nalu, basées respectivement dans les 2 provinces du Kivu et dans les hauteurs du Mont Ruwenzori.

Sur le plan socio- économique, le cahier des charges du M23 mettait l’accent sur 2 points importants :
1. La transparence dans les transactions minières, pétrolières et autres pour que le niveau de vie de la population puisse en bénéficier, équitablement ;
2. la rétrocession à la source de 40% des recettes que les provinces versaient dans les caisses de l’État- une procédure qui n’avait jamais été appliquée depuis l’accession de Joseph Kabila Junior à la magistrature suprême de la RDC.
Globalement, la rébellion du M23 faisait constater que, pendant 3 ans, aucun de ces points de l’Accord n’avait été respecté par le gouvernement de la RDC et que la communauté internationale, qui avait pourtant parrainé les négociations, n’avait bronché.

C’est ainsi qu’après s’être emparé de la métropole du Nord- Kivu et avoir occupé provisoirement la ville de Bukavu – où les civils Banyamulenge étaient pris en otages- M23 avait menacé de poursuivre sa marche vers Kinshasa et que, dans ces conditions, le pouvoir central Rd congolais aurait lui- même vacillé, n’eût été ce que l’on appelle conventionnellement, par un douteux raccourci sémantique la ”communauté internationale” s’est mobilisée contre la seule force d’opposition au régime en place- M23, issu du congrès national pour la Défense du peuple [CNDP] du général-major Laurent Nkunda Mihigo, et qui, à son tour, était l’émanation de la Synergie Nationale pour la Paix et la Concorde, puis de l’Anti- Génocide Team.

Un rouleau compresseur international contre M23

Luigi Elongui écrit encore ceci : C’est à un nouveau Léviathan mondialisé auquel la rébellion du M23, circonscrite à l’Est de la RDC et née pour déjouer le projet macabre de poursuite du génocide rwandais dans les collines volcaniques et les forêts épaisses du Kivu, devait faire face.

Un pouvoir supranational planétaire, précise- t- il, dont la constitution est un processus in fieri qui démarre à la fin de la Guerre Froide et se développe dans la gestion des crises. Un pouvoir affirmant se battre pour la solution des conflits, c’est-à-dire pour la paix, mais dont, en réalité, l’action baigne perpétuellement dans le sang.

Et il en indique les contours et les membres, à savoir : le Département des opérations de maintien de la paix [DPKO, selon l’acronyme anglais, plus utilisé], depuis toujours chasse gardée Française, très active ; l’UE ; des think tanks et autres groupes de ” réflexion” et d’influence, qui pullulent en Occident, des ONG budgétivores et des puissances régionales du continents, comme l’Afrique du Sud et la Tanzanie sous la présidence décriée de Mrisho Kikwete.

Ce Léviathan à dimension impériale [pour ne pas dire carrément impérialiste, NDLR] craignait M23, car les finalités de ce mouvement politico- militaire- la remise en question radicale d’une élite prédatrice dans un Etat néo- patrimonial fondé sur une idéologie xénophobe et raciste, sécrétrice d’insécurité permanente pour les citoyens, des flux ininterrompus de déplacés internes et de réfugiés politiques, allié de surcroît aux sinistres forces génocidaires rwandaises des FDLR- n’étaient pas solubles dans le système de pouvoir Rd congolais mis en place depuis le Dialogue inter- congolais de Sun City, en Afrique du Sud, de 2002.

Au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, en particulier, la France, partie prenante dans, pratiquement, tous les conflits de nature génocidaire en Afrique contemporaine, agit en coulisses efficacement, sur fond de manipulations. Son représentant prônait l’éradication des rebelles du M23.

En écho, les pays de la Conférence internationale pour la région des Grands Lacs [CIRGL] montent au créneau pour imposer la solution négociée de la crise Rd congolaise et obtiennent gain de cause avec l’ouverture du dialogue de Kampala [décembre 2012] entre les 2 belligérants, qui fut définitivement un échec. Le visuel pris à l’époque est, à cet égard, assez emblématique.

Face aux 2 parties belligérantes- opposition du M23 et gouvernement de la RDC- en pourparlers à l’Hôtel Serena de Kampala, en Uganda [décembre 2012- décembre 2013], les plénipotentiaires de la nouvelle gouvernance mondiale sont au grand complet. Cf. Luigi Elongui, op. cit., pp. 25-26. Avec un mandat clair et non- négociable : le statut- quo en RDC, y compris en ce qui concerne le sort des forces génocidaires des FDLR, supplétives des FARDC, est maintenu ; la rébellion qui s’y oppose doit désarmer. ”Quels qu’en soient les moyens”. C’était là un préalable absolu.

Sur l’image mémorable, on reconnaît notamment : Russ Feingold, démocrate dit ”de gauche” du lobby anti- Kagame, envoyé spécial des USA ; l’Allemand Martin Kobler, représentant du SG des Nations Unies [SGNU] pour la Mission de stabilisation en RDC [MONUSCO], qui avait recouvert la même fonction en Irak se rendant indirectement coupable de crimes de guerre ; Mary Robinson, ex- présidente de l’Irlande envoyée spéciale du SGNU pour les Grands Lacs, qui préférera plus tard être affectée ailleurs suite à la politique de deux poids- deux mesures de sa hiérarchie ; Mustapha Soumare, un diplomate Malien représentant spécial adjoint à la MONUSCO, un francophile et caution Africaine de la Bureaucratie Onusienne ; Koen Vervaëke, un Belge, représentant spécial de l’UE pour les Grands Lacs, une fonction peut- être indélicate compte- tenu du passif du passé colonial de son pays dans la sous- région ; Boubacar Gaoussou Diarra, un autre Malien, ex-représentant de la mission des Nations en Somalie [AMISOM] et représentant spécial de l’UA, dont la présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini- Zuma, bien que réputée de bonne foi, est originaire d’Afrique du Sud, une puissance régionale alliée, par intérêts économiques, au gouvernement de la RDC hostile à Kigali ; et, enfin, le général Jean Baillaud, Français, commandant adjoint- mais en réalité véritable commandant en chef de la MONUSCO, et théoricien de l’”Approche Globale” – une variante de la doctrine de la” Guerre Révolutionnaire” dissolvante appliquée naguère en Indochine [Vietnam notamment], en Algérie lors de la lutte d’indépendance menée par le FLN, au Cameroun contre l’UPC et, plus tard, contre le FPR- Inkotanyi au Rwanda, au tournant des années 1990.

Signé plus tard, le 24 février 2013, par 10 chefs d’Etat Africains, conjointement avec le SGNU, le président en exercice de la CIRGL, la présidente de la Commission de l’UA- Nkosazana Dlamini- Zuma- et le président en exercice de la SADC [selon son acronyme Anglais], l’Accord- cadre d’Addis- Abeba fournissait à l’”Empire” [lire supra] un cadre juridico- institutionnel pouvant sauvegarder, à la fois, ses intérêts économiques en RDC, et la pérennité des forces génocidaires résiduelles des FDLR, ses alliées objectives.

En effet, alors qu’on affirmait, dans le texte intégral de l’Accord, vouloir ”s’attaquer aux causes de la crise” [op.cit., p.29], on identifia implicitement l’une de celles- ci dans le soutien que ”Kigali aurait apporté au M23”. Ibidem. Ce qui n’avait jamais été démontré dans les nombreux rapports des experts Onusiens pointant du doigt le Rwanda.

En opposant sa signature à l’Accord, Kigali, contraint de le faire, en raison de rapports de force diplomatiques, est tombé dans un piège qui se referme constamment, encore aujourd’hui, sur lui et son peuple. Deux points essentiels appuient notre argumentation :
Primo : L’accord- cadre d’Addis- Abeba visait, selon l’analyste Luigi Elongi, à enlever toute légitimité à l’action du M23 en tant que force authentiquement congolaise ;
Secundo : cet Accord occultait les vraies sources de la crise dans la présence [et la pérennité, NDLR], depuis juillet 1994, des forces génocidaires des FDLR dans l’Est de la RDC, exfiltrées dans les pays limitrophes par les militaires Français de l’Opération Turquoise opérant sous pavillon de l’ONU.

Il faut se souvenir, en effet, que les forces génocidaires Rwandaises, ex- FAR et les sinistres milices Interahamwe, passablement défaites sur le territoire Rwandais, avaient pris la fuite vers le Kivu, à partir de juillet 1994, en emmenant de force en otage une grande partie de la population civile, présumée ” Hutu”, presque exclusivement, dont elles allaient se servir comme un bouclier humain ou de la chair à canon dans les affrontements ultérieurs avec l’AFDL de Laurent- Désiré Kabila, jusqu’à leur rapatriement au Rwanda, à partir de septembre 1996, grâce à l’intervention de l’Armée Patriotique Rwandaise [APR]- branche armée du FPR- Inkotanyi.

Mais le noyau dur de l’ancien régime génocidaire Rwandais reste dans les forêts Rd congolaises, et quelques- unes de ses forces résiduelles, après bien de mésaventures criminelles [pillages des ressources minières et viols des femmes Congolaises, notamment], se redéployent actuellement au Burundi, travesties en miliciens Imbonerakure du CNDD- FDD, parti au pouvoir, ou en forces supplétives de la police d’Etat Burundaise, avec les mêmes visées génocidaires. Toujours, vraisemblablement, avec l’appui de leurs parrains de la Françafrique.

A posteriori, ce scenario macabre était, depuis longtemps, prévisible, puisque dès le 16 juillet 1994, le général Canadien de la MINUAR, Roméo Dallaire, notait ceci à propos de l’exode massif à Goma des forces génocidaires Rwandaises, ex- FAR et miliciens Interahamwe :

”Au moment de traverser la frontière, ni les Zaïrois ni les Français ne prirent les mesures nécessaires pour séparer les civils des milices”. Cf. Jacques Morel, La France au cœur du génocide des Tutsi [2010], p.1183.

Dallaire précisait, par ailleurs, que l’armement lourd, fourni pour l’essentiel par la France, était parqué à part. Les Zaïrois désarmèrent sommairement […] certains des hommes de leurs machettes et de leurs fusils ; mais l’armement lourd- l’artillerie, les mortiers lourds, les canons anti-aériens et les armes antichars- fut acheminé et escorté au Nord de la ville. Ibidem. L’explication fournie par Dallaire à ce pseudo- désarmement est la suivante :

” [A Goma] les débris des FAR contribuent à accentuer l’incontrôlable : plusieurs milliers de soldats sont passés de « l’autre côté » avec armes et bagages. Fatigués par plusieurs jours de veille et abreuvés de bière locale, les parachutistes Zaïrois de la 31è Brigade ont renoncé à désarmer leur « frères »”. Ibidem.

A suivre

Jean- Baptiste Rucibigango

 

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