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L’extension régionale du génocide anti-tutsi

Par 2016-05-11 07:07:55

 

Le Président Pierre Nkurunziza et son épouse, quel Dieu inclément adorent-ils (Photo archives)

 

L’effondrement d’Etat de droit au Burundi

Depuis le 25 avril 2015, avec le retour en force du président Pierre Nkurunziza, après une tentative avortée de coup d’Etat, des observateurs indépendants parlent de ”génocide ethnico- politique”, au ”compte- gouttes” ou ”ethnique en préparation”, sans préciser de qui contre qui.

Dans la complexité de la situation actuelle, il viserait cependant des Tutsi. Car, comme indique Luigi Elongui, ”il apparaît avec le temps que le génocide de 1994 [au Rwanda] n’aura pas été le point d’arrivée, mais le point de départ de l’antitutsisme moderne, un sentiment si étendu, si structuré, si répandu en Afrique comme dans le monde, qu’il est en passe de rivaliser avec son ancêtre né au XIXè siècle en Europe, l’antisémitisme moderne”. Op. cit. p.98.

Comme à la fin des années 1990 et au début des années 2010, un ”Apartheid” ethnique règne à Bujumbura, où des milices ”Imbonerakure”, des forces paramilitaires des FDLR infiltrées dans la police d’Etat du Burundi, et des éléments de cette police elle- même ainsi que la garde pléthorique du président Pierre Nkurunziza font la loi.

Les derniers quartiers ”mixtes”, dits également ”contestataires” [Ngagara, Cibitoke, Mutakura, Nyakabiga et Musaga] sont progressivement ”épurés”. Et une radio périphérique, la Radio Rema du même modèle que la RTLM- Radio Machettes, du printemps 1994 sanglant au Rwanda, rythme et coordonne des tueries sélectives dites, en Kirundi ”kamwekamwe”, extrajudiciaires.

Elles ont lieu régulièrement dans les endroits isolés, comme près du centre d’épuration des eaux usées, à Buterere, hanté en permanence pur un tueur professionnel, le lieutenant- colonel Darius Ikurakure, qui vient d’être tué à son tour, et d’autres lieux tenus secrets, éloignés des quartiers résidentiels pour des expatriés Occidentaux, témoins gênants.

Dans l’arrière- pays, le paysage se transforme peu à peu, sur le plan ethnique, en une sorte de peau de léopard, avec des camps misérables pour des ”déplacés” Tutsi et Hutu de l’opposition, qui viennent s’agglutiner près des centres de négoce, des paroisses et des villes, en quête de sécurités ; et, d’autre part, sur les collines rurales où, en général, des Hutu, pressurés par des bandes des miliciens Imbonerakure, se trouvent en proie à l’angoisse du lendemain.

Le gouvernement du CNDD- FDD, lui- même, paraît déchiré en son sein en factions divergentes, entre ceux qui veulent négocier la paix avec l’opposition, de manière inclusive, et des radicaux. Ce gouvernement semble, en outre, être pris à la gorge dans la mesure où ses fonctionnaires n’ont pas reçu leurs accréditifs de paiement des salaires depuis trois mois, au moins, et les militaires depuis neuf mois.

Une chose nous paraît absolument certaine : le Burundi d’aujourd’hui est un chaos social, où domine la rationalité terroriste, auto- suicidaire, du CNDD- FDD, et le pire est encore, peut- être, à venir.

Selon le sociologue Emile Durkheim, il se trouve en état d’”anomie”. Ce concept développé notamment dans son ouvrage, Le Suicide [1897] désigne une situation où le tissu social est en lambeaux, où aucune norme ne limite les excès et l’agressivité des individus ou des groupes sociaux désespérés, où les quelques institutions étatiques survivantes ne contrôlent que des territoires marginaux de la vie publique et où des rapports commandement/ obéissance se sont définitivement effondrés.
Un Etat relégué à l’événementialité. Le président Pierre Nkurunziza lui- même témoigne de ce phénomène. Il appartient à une variété particulière de chefs d’Etat, celle des illuminés, et serait prédicateur d’une secte néo- évangéliste, mais sa personnalité paraît beaucoup plus complexe.

Quel Dieu inclément adore-t-il ? Dans le journal ”Aube de la démocratie”, l’organe du parti FRODEBU, no 117 du 29 au 5 septembre 2008, on peut lire l’appartenance religieuse de Pierre Nkurunziza.

”Aujourd’hui c’est chose faite, la communauté religieuse à laquelle appartient le numéro un Burundais est dénommée « Fédération pour la paix Universelle » dirigée par le Révérend Chung Hwan Kwak comme président du conseil de direction et Hyun Jin Prestor Moon, vice- président”.

Mais, auparavant, révèle l’Aube de la démocratie, il avait fait le tour de toutes les confessions religieuses, y compris l’Eglise Catholique, qu’il ne supporte pas ; celle- ci irritée l’aurait ensuite ex- communié, parce qu’il s’autorisait de communier sans s’être confessé devant un prêtre.

Selon la même source, un autre trait de son comportement original tient à sa clandestinité presque parfaite, évitant toute ostention, même en temps de paix. Mais quel que soit le lieu où il s’isole, il lui suffit, d’un grognement dans le combiné, pour le voir s’agiter et régler de manière sanglante le moindre litige pouvant survenir même, éventuellement, dans son entourage immédiat.

C’est de cette manière expéditive qu’il se serait débarrassé, en un clin d’œil, de son rival dangereux, ”le général” Adolphe Nshimirimana pulvérisé dans sa pick-up par un tir de lance-roquettes RPG près de la Station du Nord, à Kamenge, au cours de la matinée du dimanche, le 2 août 2015.

Il ne pouvait pas en être autrement, le sort du rival était scellé : Pierre Nkurunziza s’estime détenir, seul, la parole de Dieu et ceux qui lui résistent s’opposent à Dieu et à la Providence.

Selon son ex- vice- président et ex- confident Gervais Rufikiri, une autre névrose, qui remonte fort loin, le rend insensible aux souffrances qu’il inflige à ses proches et à son peuple : le syndrome de son père, Eustache Ngabisha, ancien député de l’UPRONA, mort étranglé par une cravate tendue par un officier des FAB, en 1972.

C’est pourquoi il n’en finit pas de se venger sur des adolescents/ et adolescentes de toutes les générations qui, en 1972, n’étaient pas encore nés. Pensez si les Juifs d’aujourd’hui se mettaient à venger tous leurs morts d’Auschwitz.

Enfin, diplomatiquement isolé, Nkurunziza n’a plus d’autres amis en Afrique, et peut-être dans le monde, que les présidents Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville et Robert Mugabe du Zimbamwe : Dans leur conception erronée d’ethnogenèse, le premier associe les Tutsi aux ”féodaux Bakongo”, le second aux Ndebele d’ascendance Zulu. Cf. Jean- Pierre Chrétien, L’Afrique des Grands Lacs [2000], P.303. Il s’agit ici, bien évidemment, d’un amalgame.

Une approche critique de la solution à la crise Burundaise

D’après les récentes recherches effectuées par Crisis Group à Bujumbura, Kigali, Nairobi et Bruxelles, la situation serait devenue de plus en plus explosive au Burundi. A la suite des attaques des camps de l’armée régulière par la rébellion, dans la nuit du 11 décembre 2015, le régime du CNDD-FDD a renforcé la répression sanglante contre les quelques voix dissidentes qui n’avaient pas réussi à fuir le pays. Et sa milice ”Imbonerakure” occupe une place toujours centrale au sein de forces de sécurité divisées. Avec pour seul objectif de maintenir, coûte que coûte, le président Pierre Nkurunziza au pouvoir aussi longtemps que possible.

Son régime et ses partisans- parmi lesquels le rapport de Crisis Group évite toutefois de citer les FDLR- ”se tournent toujours plus vers une rhétorique ethnique qui dépeint, sans fondement, toute opposition comme un complot ourdi par les Tutsi”.

En conséquence, pour mettre un frein à l’embrasement prévisible, le rapport de Crisis Group invite la communauté internationale [UA, UE, l’ONU et ses partenaires multilatéraux] à se concentrer sur 4 revendications principales, citées ci- dessous, tout en exerçant la pression accrue, simultanément, dans 4 domaines clés.

Voici ses revendications :

(i).- Un dialogue franc entre le gouvernement et l’opposition en fuite à l’étranger, à tenir à l’extérieur du pays étant donné les conditions de sécurité précaires, d’une part ; la colère qui gronde dans la population face à la corruption rampante des membres du gouvernement et au manque de perspectives de développement, d’autre part. Le rapport de Crisis Group estime que ”si des pourparlers ne sont pas engagés rapidement, cela se traduira par un renforcement de la résistance armée” ;

(ii).- Mettre un terme à l’insurrection populaire naissante. Crisis Group fait cette recommandation pour ne pas conduire à une violence plus féroce encore contre les populations, mais il se contredit puisque il admet, dans la même recommandation, que celle-ci a déjà atteint une ampleur extrême et qu’elle est devenue structurelle ;

(iii).- La fin de l’impunité et l’arrêt des tueries. Crisis Group reprend, un peu, la précédente recommandation en faisant observer que, dans les rues de la ville de Bujumbura, par exemple, à la mi- décembre 2015, un record de la spirale de violence généralisée a été battu, mais il n’en précise pas le nombre des victimes, au moins approximatif, et ne fait aucune allusion à d’autres provinces du pays où des représailles, sans précédent, auraient eu également lieu, dont Gitega, Kirundo, Cankuzo et Ruyigi.

Le rapporteur de Crisis Group n’a pas, par ailleurs, épinglé les responsabilités du gouvernement du Burundi et de sa police d’Etat excessivement répressive, ni indiqué quelles seraient les mesures concrètes à prendre par la communauté internationale au cas où la détérioration de la situation sécuritaire dégénérerait en génocide ;

(iv).- La protection de l’accord d’Arusha et les bénéfices du processus de paix. Certes, cet arrangement a permis, au peuple du Burundi, de connaître une accalmie relative, de façon transitoire, pendant 10 ans.

Cependant un conflit lié, à l’origine, au dualisme ethnique, au lieu de le résoudre définitivement, l’a, au contraire, enfermé dans un piège ethnique à retardement : ” les quotas ethniques”. Celles-ci se trouvent au cœur du nouveau conflit.

Pour les transcender, il faudra, au cours de futures négociations, tabler plutôt sur le principe d’Etat de Droit/ Rule of Law, à l’instar de ce qui s’est passé aux USA, pendant les années 1960, en Afrique du Sud et au Rwanda, au tournant des années 1990.

Ajoutons, enfin, que ”la démocratie des quotas”- se pose en obstacle à l’intégration du Burundi à l’Etat confédéral d’EAC, lorsque celui-ci inspiré du modèle périmé Belge ou d’ex- Yougoslavie sous Josip Broz Tito- dont on sait l’effondrement sera devenu une réalité.

Quelles sanctions à prendre contre la ”nébuleuse” du CNDD- FDD ?

Nous n’avons pas l’intention d’entrer dans le détail de toutes les sanctions prévues et remarquablement décrites dans le mémorandum de Crisis Group contre les autorités Burundaises. Nous nous limiterons seulement aux 3 principales, à savoir :

(i).- La mise en œuvre de la décision prise par le Conseil de paix et de sécurité [CPS] de l’UA, du 17 octobre 2015, prévoyant d’imposer des sanctions ciblées ”contre ceux qui bloquent la négociation ou incitent à la violence”.
Rappelons qu’il s’agit de leur interdire de voyager librement et de bloquer leurs dépôts dans les banques des pays de la région et en dehors de celle-ci, et de combattre leur économie souterraine pouvant financer les milices Imbonerakure [les FDLR ne sont pas citées, NDLR] ;

(ii).- Le Crisis Group réitère le maintien sur la table d’une option de police internationale envisagée par certains membres du Conseil de sécurité de l’ONU, conjointement avec l’UA, afin de ” faire cesser le bain de sang” ;

(iii).- Le retrait progressif et contrôlé des contingents militaires Burundais de toutes les opérations de maintien de la paix de l’UA et de l’ONU, afin qu’une partie de leurs rémunérations ne soit plus utilisée par le gouvernement pour résister à la pression internationale, ou pour ne pas tenir un dialogue franc avec l’opposition.

Toutes ces sanctions, souligne le rapporteur de Crisis Group, ”doivent avoir pour objectif clair la réduction de la violence, la fin de l’impunité et l’ouverture d’un dialogue”.

Mais, déjà, cette plateforme de négociation, bien élaborée, a été transformée en farce par des propagandistes cynique de la ” nébuleuse” du CNDD- FDD, en particulier les frères Nyamitwe, et semble-t-il, sans surprise, par le président Sud- Africain, Zuma. En Kirundi de la rue, Nyamitwe est un euphémisme exprimant le dilettantisme. Leur attitude relève davantage d’une psychanalyse que du ”mystère du mal”, selon la formule pieuse de Mgr Etchegaray, au retour d’une mission pour le compte du Pape, pendant le génocide de 1994 au Rwanda.

Jean- Baptiste Rucibigango

 

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