https://www.traditionrolex.com/25 Nord et Sud-Kivu : solidarité entre les deux Sociétés Civiles

Nord et Sud-Kivu : solidarité entre les deux Sociétés Civiles

Par 2016-05-30 09:55:41

La société civile dénonce le silence des autorités sur les massacres de Beni (Photo Archives)

 

De nombreuses personnes de noir vêtues s’étaient fixées rendez-vous devant le bureau de coordination de la Société civile du Sud-Kivu avec des gros papiers sur lesquels on pouvait lire : ″Je suis Beni et je ne dois pas continuer à garder silence face aux massacres, car Beni n’est pas une boucherie.″ Pour la délégation de la Société civile venue de Goma, le geste posé par leurs camarades du Sud-Kivu prouve que l’unité du peuple congolais est bien réelle.

Le 21 mai, une messe en mémoire des victimes de Beni a été célébrée à la Cathédrale Notre Dame de la Paix à Bukavu, dans le Sud-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo. La veille, la "Société Civile" de cette province avait organisée une journée ville morte. Dans son communiqué du 17 mai, cette organisation se disait ″profondément choquée par les tueries des civils innocents, majoritairement des femmes et des enfants.Compte tenu de ce que nous vivons à Beni et Lubero, nous trouvons que cette solidarité entre les deux Kivu va changer les choses″, a déclaré Axel Danikiro, membre de la Coordination de la Société Civile du Nord-Kivu.

Le cycle des massacres qui endeuillent le territoire de Beni dans la partie nord du Nord-Kivu depuis octobre 2014 et cible surtout les membres de la communauté Nande. A partir des attaques menées la nuit du 3 mai à Minibo et Mutsonge, les violences se sont étendues jusqu’à franchir la frontière de l’Ituri, où 8 personnes ont été tuées pendant la nuit du 14 au 15 mai à Kitabeyi. A la même date, une opération conjointe dénommée Usalama (ndlr ꞉ la sécurité) des troupes de la MONUSCO et des FARDC ont été lancées contre les mystérieux escadrons de la mort dont les actes ont étalé des femmes éventrées, des adultes mutilés, des enfants aux membres coupés à la machette.

Des réactions croisées

Un bilan de 51 victimes (qui pourrait être revu à la hausse) a suscité une vague de protestation de la part des familles des victimes, des habitants de Beni, des milieux associatifs et d’une partie des élus des provinces frappées par l’insécurité. Le 6 mai, les députés du Nord-Kivu ont boycotté la plénière à l’Assemblée Nationale et trois jours après, ceux de l’Assemblée Provinciale de Goma. Une journée de deuil a été observée à l’appel de la Société Civile du Nord-Kivu, dont le président, Thomas d’Aquin Mwiti, car ″on ne peut pas voir ses concitoyens être égorgés et rester silencieux.″ Le 10, la Nouvelle dynamique de la Société Civile (NDSCI) à lancé un appel à l’unité contre ces crimes de masse. ″Ce qui se passe à Beni… c’est quelque chose d’une extrême gravité et d’une extrême violence, et devrait susciter les réactions de tous les Congolais, mais ça se passe comme si rien ne s’était passé″, a déploré Jean-Chrysostome, son président. Un langage allusif en forme d’accusation larvée aux autorités, dont l’inaction paraît comme la conséquence d’une connivence occulte avec les tueurs de la part de certains réseaux parallèles du régime.

En effet, à mi-mai, un rapport confidentiel du Comité des Sanctions des NU avait fuité dans les médias et suscité pas mal de remous. Dans la section consacrée aux massacres de Beni, le groupe d’experts qui l’a rédigé pointe du doigt des militaires congolais dans l’organisation et l’exécution des atrocités. Le nom d’un haut gradé que l’on dit proche du chef de l’État est notamment cité et le groupe déclare être ″à connaissance de huit individus qui ont été approché en 2014 par le Général Muhindo Akili Mundos pour participer aux tueries″ en fournissant armes, munitions et uniformes de l’armée.

La Lutte pour le changement, un mouvement citoyen et non-violent d’opposition basé à Goma, dont nombreux militants ont été emprisonnés pour avoir participé à des manifestations pacifiques et à des débats sur l’alternance au pouvoir a réagi à ces informations. Selon LUCA, ″Le Général Muhindo Akili Mundos ces autres officiers épinglés par le Groupe d’Experts sont sous les ordres de qui ? À quelle fin ils ont fait massacrer les civils qu’ils prétendent protéger ? Qu’est-ce qui nous dit que l’opération Usalamaque les FARDC et la MONUSCO viennent de lancer sans un nettoyage préalable du commandement des FARDC dans la région n’est pas une nouvelle mascarade ? Pour nous c’est clair : le président Joseph Kabila en tant que Commandant Suprême des Forces Armées, porte une responsabilité personnelle dans tout ça. Il ne peut pas ne pas avoir su que les officiers qu’il déployait à Beni étaient de connivence avec les meurtriers de la population. Peut être est-il même le donneur d’ordre principal ?″

Ces nouvelles révélations font suite à un rapport du Groupe d’Etude sur le Congo (GEC), dirigé par un ancien expert de l’ONU, qui met également en cause le Général et des bataillons des FARDC, dont en particulier une unité spéciale aux ordres de la maison militaire du chef de Etat. L’embarras visible du gouvernement dont le porte-parole (d’habitude très loquace et ponctuel) n’a pas répondu aux affirmations du document onusien, a libéré les langues et encouragé les initiatives.

La coordination de la Société Civile de Beni, Butembo et Lubero a adressé une lettre ouverte au chef de l’État en lui demandant ″d’assumer son pouvoir régalien comme Commandant suprême des forces armées de la République.″ Selon Teddy Kataliko, président de la Société Civile de Beni, ″Après analyse, notre constat a été que le contexte est vraiment précaire : plus de 1 116 personne tuées en l’espace d’une année et demi, à partir du 2 octobre 2014. Plus de 1 470 personnes kidnappées, plus de 1000 maisons incendiées et beaucoup de déplacées de guerre de Miriki (ndlr ꞉ dans Lubero) à Eringeti (ndlr ꞉ dans Beni).″ Des décisions ont été prises par les membres de l’organisme qui ont décrété trois jours de deuil et de villes mortes de Kanyabayonga à Beni, l’interdiction de circuler aux véhicules et aux avions de la MONUSCO, la grève des taxes et le rappel à la base de tous les élus du Grand Nord du Nord-Kivu.

Deux manifestations à Bukavu

Réunions et manifestations se déroulent désormais en une atmosphère d’effervescence militante. Les
critiques fusent, virulentes contre le pouvoir central et les autorités de la province. La journée ville morte de vendredi 20 à Bukavu a été suivie par la grande majorité des habitants et à la fin, les membres de la Société civile du Sud-Kivu ont remarqué l’absence des responsables locaux et des élus des deux Kivu.

Pour enfoncer le clou, JC. Kijana a déclaré : ″Nous continuons à fustiger leur indifférence. Nous considérons que c’est un silence complice. Aucune autorité publique n’était présente. Aucun parti de la majorité présidentielle n’a répondu à notre appel. Pour la communauté Nande par exemple, il y a 25 députés à l’Assemblée nationale, ce qui constitue quasiment un groupe parlementaire, mais ils sont incapables de parler un même langage. Ils sont manipulés. Ils continuent à opposer les gens. Pour nous, il s’agit de l’irresponsabilité. C’est pour cela également que nous demandons des élections dans le délai imposé par la Constitution pour nous choisir des nouveaux représentants.″

La dernière voix est celle du Denis Mukwege, le célèbre gynécologue de l’Hôpital de Panzi, à Bukavu : ″Les images de ces atrocités de masses sont insupportables. Des femmes enceintes éventrées, des bébés mutilés, des êtres humains ligotés et égorgés à l’arme blanche. Les Congolais sont exaspérés, meurtris, humiliés et se mobilisent pour parvenir au changement tant attendu″, a-t-il dit.

Claude Durand

 

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