https://www.traditionrolex.com/25 RDC : avis de tempête et de déstabilisation imminentes

RDC : avis de tempête et de déstabilisation imminentes

Par 2016-06-13 09:13:31

[caption id="attachment_3168" align="alignnone" width="1024"]Vue d'un tronçon noyé de la route Beni-Kisangani (Photo archives) Vue d’un tronçon noyé de la route Beni-Kisangani (Photo archives)[/caption]


Deux événements majeurs ont eu lieu récemment en RDC, lançant une saison politique chahutée.

Moise Katumbi se déclarant candidat à la Présidence de la République suivie de sa mise en accusation aussi théâtrale.

Un arrêt de la cour constitutionnelle, lourd de signification, affirmant qu’il n’y a aura pas de vacance au sommet de l’Etat et que Kabila pourra rester au pouvoir- qu’il y ait élection ou pas.

Le camp Kabila pavoisera aussitôt, comptabilisant cette bataille comme gagnée alors que cette prolongation du mandat pourrait bien être agitée, déjà accusé du blocage délibéré des élections.

Si l’on conteste ou oppose le glissement, l’alternative d’un intérim par le président du Sénat qui s’est fait légitimer par le même arrêt deviendrait très problématique. Quadrature du cercle !

Bref une impasse certaine appelant un dialogue politique ou négociations devenues inéluctables.

Une opposition mal préparée

L’opposition s’est faite encore surprendre. Ils avaient eu pourtant le temps d’élaborer un plan de sortie de crise et de former un gouvernement parallèle qui préparerait l’alternance. Mal préparée !

Pire, l’opposition se joignit au pouvoir pour le report des élections locales ; abandonnant les populations rurales face aux dirigeants ou potentats locaux qui font des services publics une faveur monnayable voire laissés aux ONG ; dans une logique de prédation, sans compte à rendre.

Car leurs yeux étaient rivés plutôt sur la fin du mandat de Kabila en date du 19 décembre 2016 !

Fantasmant depuis 2012 sur le fauteuil présidentiel ; le vizir voulant juste être Calife, dirait-on !

Sans aucun plan concret et consensuel de sortie face à la crise socio-économique aigue aggravée par un chômage endémique des jeunes, une corruption institutionnalisée, l’effritement généralisé des services publics (éducation et santé), la faiblesse structurelle de l’Etat et des mouvements rebelles insoumis surtout à l’est et au non respect des droits humains systématiquement bafoués.

Le camp d’Etienne Tshisekedi, qui avait pris une longueur d’avance en acceptant la négociation avec Kabila, s’embrouille et tergiverse, lançant des communiqués et signaux très contradictoires.

Ruinant presque le capital politique accumulé depuis 3 décennies ! Miné par des courants internes qui s’affrontent ouvertement et des querelles de personnalités qui veulent succéder au leader historique sans son avis, sentant sans doute son crédit s’effriter lentement et son ’âge avancer.

Katumbi lui, transfuge récent du pouvoir, mais fort d’un groupe G7 assez étoffé et de l’aura du TP Mazembe, se mit vite à parfaire son image d’opposant populaire et de bon catéchumène.

Mais à la première pression d’un procès certes opaque, il perd ses nerfs et appelle les Belges au secours, relevant au passage ses réseaux et ses faiblesses.

Comment assumerait-il le rôle exigeant de commandant suprême de l’armée qui demande un peu de nerfs, de retenue et d’un minimum d’autonomie ?

Certes, le rapprochement attendu avec Tshisekedi profitera aux deux hommes sans que l’on sache si la question de préséance symbolique et légitimité du chef de l’opposition sera réglée.

Kamerhe, sûr de sa base au Kivu, cultive l’image d’opposant dur tout en cherchant désespérément des soutiens externes surtout du côté de France et misant sur une "alliance transatlantique" pas si claire pour un Congo presque en faillite et qui, au contraire, semble faire appel au secours urgent.

Les médias sociaux font le reste pour ramener le débat aux émotions et à une guerre d’images macabres (surtout de Beni !) et font un bon boulot pour alimenter une atmosphère de fin de règne.

Mais pendant ce temps, Kabila accumule une cagnotte de guerre depuis 2001, étend ses réseaux ; se présentant en force incontournable voire capable de fabriquer un dauphin en dernier ressort.

Même placide, il contrôle toujours les rouages des Services de sécurité, l’Armée qu’il a remodelé en trois zones de défenses avec des hommes loyaux, la Justice, la Diplomatie y compris la CENI.

Les faiseurs de Roi occidentaux qui furent aussi pris de court malgré la vigilance supposée de la force MONUSCO, bien en laisse, agitent la carte des sanctions pour peser sur le jeu politique.

Malgré tout sans une alternative sinon la stratégie de fabriquer un autre homme providentiel qui perpétuerait le "commerce" privilégié depuis Berlin 1894 et ferait surtout école sur le continent !

La nécessité d’un dialogue

Mais ceux qui forcent les élections présidentielles sans dialogue préalable, sans radar ni balises, risquent de créer une situation pire que celle du Burundi, pour un coût réel encore indéterminé.

Et qui aboutirait à une lutte au finish avec un camp écrasant l’autre et qui ferait le lit du prochain affrontement dans 5 ou 10 ans au regard du cycle électoral et du mode de scrutin direct couteux et complexe mais inscrits dans la loi fondamentale.

Avec les problèmes structurels et contentieux accumulés depuis 1960, une pauvreté ambiante et une économie extravertie aujourd’hui exsangue car liée aux cours du cuivre/cobalt en chute libre, les déficit démocratique et sécuritaire chroniques, qui veut bien faire croire que ce pays organiserait des élections fiables et permettrait des campagnes électorales en toute sécurité ?

Un ancien directeur de cabinet reflétant sans doute l’opinion de Mobutu, proclamât devant un parterre universitaire ahuri que le grand Zaïre était si riche qu’il n’avait point besoin de plan !

Peut-on toujours privilégier le folklore des messes politiques et atteindre un résultat contraire ?

Administrer un suffrage universel direct mal préparé et précipitamment, dans un pays où les ethnies sont un facteur décisif, avec un espace politique pollué par 500+ partis (généralement sans démocratie interne) nécessitant donc assainissement et des défis logistiques énormes, n’en fera pas une cure magique à dose unique !

On a encore frais en mémoire ce qui s’est passé aux élections en 2006 et 2011 et récemment ailleurs en Afrique, où certains scrutins tournent carrément en tragi-comédie et farces électorales.
Que de dégâts matériels, de vies irrémédiablement perdues et ressources gâchées pour accomplir une formalité à laquelle peu de citoyens accordent de crédit, et pour souvent garder le statut quo !

Les dangers de l’inaction

Chaque fois que la RDC se retrouve dans un virage historique du genre, les émotions populaires sont exacerbées, les esprits s’échauffent et les ambitions personnelles reprennent le dessus.

Comme si l’histoire se remettait en marche après une accalmie certes toute relative.

Les investisseurs, bailleurs des fonds et secteur privé se sont mis désormais en position d’attentiste préjudiciable à l’économie déjà en panne.

La diaspora congolaise, les pays voisins, les alliés autant que les pourfendeurs du régime sont tous en expectative, dans une certaine perplexité ou anxiété bien compréhensible.

Face aux risques de l’inaction et manœuvres délibérées bloquant l’effectivité de l’intégration régionale et l’assainissement du climat politique et d’affaires ; bouchant ainsi tous les horizons.

L’opposition vient de répondre à Kabila par un conclave d’unification sans doute inspiré outre-Atlantique mais avec Kamerhe et Katumbi tactiquement absents, consacrant au détour le retour sur scène de Tshisekedi E, prêt pour la confrontation ultime impliquant mobilisation populaire.

Dans une surenchère politique qui rétrécit l’espace de dialogue, réduit visiblement à la gestion de la fin du mandat et de l’éviction du locataire du palais présidentiel à la fin du bail par tous les moyens. Et de préférence avec l’aide et présence de la communauté internationale !

Bien malin qui peut prédire la fin du match avec tous les acteurs, arbitres et citoyen-spectateurs visiblement nerveux et anxieux, tous pris dans l’œil du cyclone y compris le fragile Kabila.

Tous les scenarios sont possibles : une prolongation de mandat, démission surprise, un intérim court, une transition négociée, l’émergence d’un dauphin encore invisible, une alternance agitée (ET-MK ?), résurgence de rebellions voire un coup d’un larron surgissant d’alliances improbables.

L’amplitude des soubresauts dépendra de la consistance d’un dialogue assurément inévitable, de l’abnégation, transcendance et sang froid des politiciens. Et de leur sens élevé du compromis !

Car face aux défis ci haut, aucun Président quoique légitime mais sans consensus ni moyens conséquents, n’échappera aussitôt aux grèves et manifestations spontanées ni aux incidents ou catastrophes imprévus en plus de tous les travaux prioritaires qui l’attentent au tournant.

Sortir définitivement du cercle vicieux

L’idéal serait de bâtir sur les acquis engrangés avec peine et de mettre en œuvre un plan de type Marshall adapté au contexte singulier du moment et avec ressources prédictibles ; suggéré opportunément par le fonctionnaire international Tshiani N, manifestement tenté par la politique.

Sur une période transitoire de durée réaliste compte tenu des handicaps actuels ; pour remettre ce grand pays sur les rails avec des cycles électoraux rodés et apaisés et des budgets endogènes !

Sur base d’une feuille de route consensuelle avec des termes de référence clairs et contraignants : les objectifs dont des réformes structurelles et infrastructures prioritaires, les étapes et délais en face des moyens commis, l’alignement aux objectifs de développement durables, rôle des acteurs clés, les incompatibilités et sanctions, les facteurs de succès et mécanisme du suivi d’exécution.

Sans oublier la préparation d’élections fiables dans un processus complet, crédible et inclusif. En commençant par les élections locales qui renforceraient la démocratie et l’administration de base !

Tout ça pour enfin asseoir un système stable, pyramidal de bas en haut et représentatif avec des solides fondations systémiques et loin du rituel électoral limité au transfert de l’imperium au sommet du pays,.

Que représentent 3, 5, ou 10 ans dans la vie et la construction d’une nation ou de sa refondation ?

Que l’on appelle ça transition, union nationale ou pas, il n’y aura pas de raccourci pour stabiliser ce colosse aux pieds d’argile, dirigée par une classe politique plus dogmatique que pragmatique.

Faire autrement, c’est demander à la RDC, déjà à bord du précipice, d’avancer un pas de plus !

Roger Munyampenda

Consultant en Stratégies d’affaires

Twitter : @rmunya


 

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