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La justice française et le génocide anti-tutsi

Par Admin 2016-10-19 15:35:54

Le bilan des dernières années écoulées- 2015 et 2016, et perspectives

Il n’y a plus, actuellement, de tribunaux pour juger les crimes de génocide anti- tutsi du printemps sanglant de 1994, au Rwanda. Les juridictions rwandaises dites ”gacaca” qui ont jugé un très grand nombre d’exécutants de base depuis 2005, ont définitivement fermé en 2012, et ne pourraient plus réouvrir. Le tribunal Pénal International d’ Arusha [TPIR], mis en place pour juger les criminels de génocide, a rendu son dernier verdict le 14 décembre 2015.

Cependant, les crimes de génocide sont imprescriptibles. Vingt- deux ans après les faits, les juridictions nationales ordinaires de tous les pays, y compris celles du Rwanda, peuvent encore, en principe, les traiter. C’est le cas actuellement de la justice Française qui traite, à un rythme extrêmement lent, un certain nombre de procédures, y compris l’enquête sur l’attaque contre l’avion d’ex-président Juvénal Habyarimana, des plaintes contre les complicités françaises, et des procès en diffamation intentés par des responsables français. Cet article relaie leurs développements récents, rapportés par la revue annuelle La Nuit rwandaise no 10 du 7 avril 2016.

La plupart des exilés politiques rwandais résidant sur le territoire français sont, en réalité, des génocidaires avérés. La justice rwandaise réclame régulièrement leur extradition, mais le gouvernement français répond par une fin de non- recevoir à cette demande, relayée par des plaintes d’ un collectif des parties civiles pour le Rwanda [CPCR], constitué autour d’ un couple mixte franco- rwandais de Dafroza et Alain Gauthier, et d’ autres associations de société civile française- notamment Survie, la Ligue des droits de l’ homme, et d’ autres.

Tout d’ abord, il faut signaler qu’ en raison de sa lenteur dans l’ instruction, la France a déjà été condamnée par la cour Européenne des droits de l’ homme, notamment dans l’affaire Munyeshyaka-un prêtre catholique génocidaire contre lequel la première plainte avait été déposée tôt en 1995- sans que cela n’ ait beaucoup d’ effet.

Ce qui a changé, entretemps, c’est la mise en place en 2012 du ”pôle génocide et crimes contre l’humanité”, mais qui souffre de disfonctionnement par pénurie du personnel et du budget. Parmi les 30 dossiers à traiter figurent notamment les suivants :

(i) En février- mars 2014, le premier procès d’un responsable rwandais- contre le capitaine Pascal Simbikangwa- avait débouché sur une condamnation à 25 ans de prison. Mais son procès en appel est prévu à Bobigny, du 24 octobre au 9 décembre 2016 et, comme l’appel doit reprendre pratiquement à zéro tout le procès, son issue peut être différée.

(ii) Le procès en cours de jugement contre Tito Barahira et Octavien Ngenzi, deux ex- bourgmestres successifs de Kabarondo, dans l’actuelle Eastern province.

(iii) Le procès en appel contre le prêtre Wenceslas Munyeshyaka, pour incitation au génocide et viols, plus de 20 ans après les faits.

(iv) D’autres procès annoncés pour le futur, avec un rythme d’environ un ou deux par an, plus les appels éventuels. Plus le temps passe, plus la maladie et la mort touchant les accusés et les témoins, rendre justice devient fortement improbable. Ajoutez que ces procès sont excessivement coûteux pour les parties civiles plaignantes entièrement bénévoles.

L’interminable enquête sur la destruction du Falcon50 d’ex- président Habyarimana

Le 6 avril 1994, l’avion Falcon 50 d’ex-président Habyarimana s’est écrasé en entrainant la mort de ce président, de son homologue Burundais, des membres de son entourage qui voyageaient avec lui en provenance de Dar- es- Salaam en Tanzanie, et ses trois militaires français qui constituaient l’équipage de l’avion. La présence des Français parmi les victimes a rendu possible le dépôt d’une plainte auprès de la justice française.

Mais le juge Bruguière a complètement désorienté l’enquête, versé dans le négationnisme du génocide anti- tutsi et accusé, sans avoir jamais mis le pied au Rwanda, le FPR d’être responsable de cet attentat.

À partir de 2007, l’enquête a été reprise par le juge Marc Trévidic assisté par la juge Nathalie Poux, qui considéraient que le dossier est vide et s’apprêtaient, en avril 2014, à prononcer un non- lieu en faveur du FPR. Cf. la revue la nuit rwandaise no10 du 7 avril 2016, p.28.

Malgré la volonté des deux juges et celle affichée, à cette époque, par l’Elysée, l’enquête piètine : Le secrétariat Général de la Défense de la sécurité Nationale refuse d’ouvrir des archives couvertes par le secret- défense. Six mois après sa demande de leur déclassification, le juge Trévidic n’avait pas toujours obtenu la réponse positive.

Fin août 2015, atteint par la limite des 10 ans dans le même poste, Trévidic part sans avoir obtenu les documents qu’il réclamait, et accuse publiquement [notamment sur France Inter du 3 juillet 2015] le gouvernement Français d’avoir fait l’obstruction à sa démarche.

Trévidic est remplacé par le juge Jean - Marc Herbaut, assisté par la juge Poux. Curieusement, juste au moment de départ du juge Trévidic, la Commission Consultative du Secret de la Défense Nationale se montre favorable à la déclassification de certains documents concernés de la DGSE- un service secret- ou émanant de l’Etat - major des armées, soit 56 pages au total. On remarque cependant, que pour 4 de ses documents, certains paragraphes sont biffés, sans qu’aucun motif ne soit avancé. Op. cit. , p29.

On note avec intérêt la présence d’un télégramme no117 du 6 avril 1994 [1 page] qui confirme qu’un officier Français Saint- Quentin aujourd’hui déployé au Mali, fut le premier à se rendre sur le lieu du ”crash” du Falcon 50 d’ex-président Habyarimana. On sait également, grâce au député Lefort, l’existence d’une lettre confirmant l’existence de 2 boîtes noires, qui, entretemps, ont mystérieusement disparu.

Enfin, sur les divagations d’un opposant politique rwandais, Kayumba Nyamwasa, exilé en Afrique du Sud le gouvernement français a relancé l’enquête. Au moment où nous mettons la dernière main sur cet article, il est impossible d’en prévoir l’issue finale. Cependant, il est important de noter que la double qualité de Nyamwasa, comme accusé lui-même et témoin à charge à la fois, la rend incompatible avec le code pénal français.

A suivre….

Jean Baptiste Rucibigango

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