https://www.traditionrolex.com/25 La justice française et le génocide anti-tutsi (2)

La justice française et le génocide anti-tutsi (2)

Par Admin 2016-10-21 11:00:03

Complicité de génocide

Suite et fin
Depuis 2004, la commission d’enquête citoyenne française étudie différents dossiers pouvant prouver, de façon évidente, l’implication de certains Français dans le génocide de 1994 contre les Tutsi ; par exemple :

(i) Du 27 au 30 juin 1994, dans les collines de Bisesero dans l’actuelle province de l’Ouest plusieurs centaines de civils Tutsi y ont été tués par des militaires des ex- FAR et les miliciens Interahamwe. Des militaires français des forces spéciales- probablement appartenant au COS- lire supra- avaient reçu un mandat des Nations Unies de faire cesser ces massacres. Ils ne l’ont pas fait, alors qu’ils se trouvaient là, sans intervenir. Depuis 2005, six des rescapés les accusent de complicité, mais l’enquête paraît très lente, entravée par le Parquet français.

(ii) Dans ce même dossier, les rescapés du camp de réfugiés de Murambi [dans l’actuel District de Nyamagabe] portent plainte contre les troupes françaises de l’Opération turquoise du meurtre de 3 réfugiés, au moins, d’embarquements d’autres dans des hélicoptères depuis lors disparus, et de mauvais traitements. L’enquête sur ce volet est en cours, mais peu d’éléments filtrent publiquement.

(iii) Six femmes rescapées de génocide sans les camps de réfugiés contrôlés par les militaires de Turquoise, soutenues par Annie Faure, ont déposé une plainte de viol en 2004. Malgré les entraves de l’armée et du Parquet français, il semble que l’enquête avance au pôle génocide.

(iv) Le 24 juin 2013, une plainte pour complicité de génocide a été déposée par les associations Survie et FID notamment, contre le ”fameux” capitaine Paul Barril, sur la base ses faits irréfutables. ”Des témoins affirment l’avoir vu á Kigali peu avant le 6 avril 1994, jour où l’avion d’ex-président Habyarimana fut abattu, lui-même reconnait avoir été présent en Afrique centrale autour de cette date. Certains n’hésitent pas à lui attribuer une responsabilité dans les tirs de missiles”. Op. cit., p.32. A ce jour, l’enquête se trouve en cours, mais rien ne filtre publiquement sur son état d’avancement. Ibidem.

(v) Des sources d’information recoupées attestent que la France, l’Afrique du Sud, la Grande-Bretagne et même l’Israël ont livré des armes au gouvernement génocidaire intérimaire, avant ou pendant le génocide, en passant outre la décision d’embargo de l’ONU. Un tollé a été soulevé à ce sujet par une déclaration de Hubert Védrine, qui a reconnu formellement ce fait. Sur la demande de Survie déposée le 2 novembre 2015, une enquête préliminaire a été immédiatement ouverte.

(vi) Une plainte annoncée le 13 mai 2014 par le reporter Serge Farnel et Bruno Boudiguet, mais non encore officiellement déposée, contre une douzaine- au moins de ”militaires blancs” ou des mercenaires, recrutés par Paul Barril, qui auraient participé directement au massacre de Bisesero, le 13 mai 1994.

En conclusion, le pôle génocide fait difficilement face à autant d’affaires longues et complexes, se retrouve entravé par la pugnacité de responsables français, la diminution du nombre de juges d’instruction, le manque de gendarmes et policiers enquêteurs pour les aider, et par la quantité des dossiers concernant les génocidaires rwandais résidant en France. Pour les parties civiles, on l’a déjà souligné, ces longues procédures sont excessivement onéreuses et dépassent leurs moyens.

Ajoutez que, dans certains cas, les gens au pouvoir en France ainsi mis en cause ont choisi de porter plainte pour ”diffamation”. Par exemple, Annie Faure- lire supra- les chercheurs Jean- Pierre Chrétien et Jean- François Dupaquier en ont fait les frais parmi ceux-ci, le journaliste Patrick de Saint- Exupéry [petit-fils du célèbre écrivain du même nom et héros de la guerre de résistance Française] paraît être le plus accablé par ces procès en ”diffamation”, depuis ses reportages de 1994 à Bisesero, et surtout sa série d’article très courageux, dans le magazine Le Figaro publiés en 1998 en écho au centenaire du ”J’ accuse” d’ Émile Zola.

Pourtant, les officiels plaignants français [dont François Mitterrand lui- même, dès son vivant, Dominique de Villepin, Hubert Védrine, le juge Jean-Louis Bruguière, les banques Crédit Lyonnais, BNP, et des officiers de haut rang] n’ont attaqué, sur le fond, aucun de ses articles, pas plus qu’ils n’ont attaqué son livre ”L’inavouable” publié en 2004, en reprenant l’essentiel de ses articles.

Pour conclure définitivement, il convient de relever ce paradoxe : alors que tant de petits délinquant passent en comparution immédiate, il est sidérant, souligne La Nuit rwandaise, de constater que ces personnes accusées de génocide ou de complicité échappent encore à leur procès plus de 20 ans après. Un seul espoir : les accusations portées contre elles sont imprescriptibles, et elles peuvent être continuellement visées jusqu’à leur mort, même s’il ne s’agit là que d’une mince consolation pour les rescapés du génocide.

Jean- Baptiste Rucibigango

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