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Rwanda-génocide : la question de réparation reste un casse-tête…

Par 2015-04-07 09:27:50

 

Le génocide contre les Tutsi de 1994 est le dernier génocide du 20 ème siècle qui a fait des victimes sans oublier des destructions massives. Quand l’Etat rwandais a mis en place des tribunaux Gacaca en s’inspirant de la pratique ancestrale de résoudre des problèmes devant un jury populaire, c’était une façon de chercher des solutions durables et efficaces au contentieux qui durerait plus de cent ans si l’on appliquait la justice classique. Les tribunaux populaires Gacaca ont appliqué la loi pénale spéciale et les coupables ont été sanctionnés. La question qui reste épineuse est celle de la réparation. Les idées divergent sur ce problème mais toutes sont unanimes sur le fait que chaque justice digne de ce nom doit aller de pair avec la réparation.

[caption id="attachment_616" align="alignnone" width="768"]Naphtal Ahishakiye, Secrétaire exécutif d'Ibuka (Photo Safari Byuma) Naphtal Ahishakiye, Secrétaire exécutif d’Ibuka (Photo Safari Byuma)[/caption]


 

 

Les sentences prononcées lors des jugements des présumés génocidaires dans les Gacaca comprenaient des peines d’emprisonnement et l’obligation aux coupables de réparer pour les biens matériels spoliés, les maisons détruites et autres casses. La question de restitution reste un vrai casse-tête car peu ont pu payer pour les biens endommagés. Il reste ainsi un grand nombre de procès prononcés par les juridictions Gacaca qui exigent la réparation mais dont la sentence n’a pas été appliquée.

L’Association des Rescapés du Génocide-IBUKA est convaincue que la question de réparation ne date pas d’hier. Durant toute la période des procès à travers les Juridictions Participatives Gacaca, la question des dommages et intérêts a été toujours évoquée, mais sans issue.

Les faits observés sont les suivants : une grande majorité de bourreaux ou les coupables du crime de génocide est pauvre. Les coupables ont donc des difficultés pour restituer les biens qu’ils ont pillés et détruits. A cette catégorie de bourreau, IBUKA n’en est pas vraiment furieux. Par contre, il s’attaque à la catégorie de bourreaux qui ont vendu leurs biens afin qu’ils ne procèdent pas à la réparation par le truchement de paiement des dommages et intérêts. Le 1er vice président d’IBUKA, M. Egide Nkuranga et le Secrétaire Exécutif d’IBUKA, M. Naphtal Ahishakiye, ont, tous les deux, cerné la grande problématique de la réparation en ce qui concerne le génocide contre les Tutsi.

Le principe qui devient l’élément déclencheur d’analyse de la question de réparation est celui-ci : "il n’y a pas de justice sans réparation". Egide Nkuranga en reste ferme et dénonce l’attitude de certains dirigeants des gouvernements locaux (districts et secteurs administratifs) qui sont lents à exiger les dommages et intérêts aux familles des bourreaux parce qu’ils ont avec eux des liens familiaux très proches.

"Cette mauvaise volonté nuit à l’unité des Rwandais et à leur réconciliation", note le 1er vice président d’IBUKA qui rappelle que ces bourreaux sont toujours animés de l’idéologie du génocide pour le fait qu’ils ne veulent pas restituer les biens qu’ils ont détruits.

En réalité, a-t-il poursuivi, l’acte en soi signifierait l’aveu de culpabilité solennelle et l’acceptation officielle du génocide contre les Tutsi. Ces coupables, bien qu’ils purgent leur peine dans des prisons, n’ont jamais accepté que le crime qu’ils ont commis est un génocide ! ils sont des négationnistes du génocide contre les Tutsi.

Egide Nkuranga tire la sonnette d’alarme, demandant aux instances de l’Etat et les Rwandais de condamner les familles des bourreaux qui vendent leurs biens pour qu’un jour ils se montrent financièrement incapables de restituer les biens qu’ils avaient pillés et détruits pendant la tragédie rwandaise de 1994.

Nkuranga n’omet pas la pauvreté qui accable certains bourreaux qui ne sont pas capables de payer ce qu’ils ont pillé. "La réparation n’est pas seulement vue sous l’aspect matériel. Elle est aussi psychologique et sociale", a ainsi montré Egide qui parle au nom des rescapés du génocide contre les Tutsi.

En effet, selon Egide Nkuranga, si les bourreaux parvenaient à regretter leurs actes ignobles durant legénocide et qu’ils payaient même symboliquement à titre de réparation, les rescapés du génocide en seraient toutefois satisfaits !

[caption id="attachment_615" align="alignnone" width="768"]Egide Nkuranga, 1 er Vice-Président d'Ibuka (Photo Safari Byuma) Egide Nkuranga, 1 er Vice-Président d’Ibuka (Photo Safari Byuma)[/caption]


 

Les calculs politiques freinent quelque peu la réparation…

La gouvernance au Rwanda tient compte de certains calculs politiques au détriment de la réussite de certains programmes politiques. Pour les Rwandais avertis de ces calculs, ils remarqueraient par exemple des postes politiques stratégiques occupés par un dignitaire dont le parcours durant la période turbulente du génocide au Rwanda le classerait parmi ceux qui ont trempé le génocide. Celui-ci reste innocent sur toute sa responsabilité dans le génocide contre les Tutsi et jouit de tous ses droits, alors qu’il devrait être gardé en prison… A plus forte raison, certains programmes politiques peuvent être prioritaires pour une période donnée, plutôt que dans les jours qui suivront.

Selon le Secrétaire Exécutif d’IBUKA, M. Napthal Ahishakiye, " Il y a plusieurs faits qui témoignent de ces calculs politiques ". Il a par exemple parlé des Maires des districts qui auraient du mal à contraindre les familles des bourreaux à payer les dommages et intérêts lorsque le pays se prépare aux élections…"Pendant les élections, le silence est gardé sur certains programmes de l’Etat qui mettraient la population en agitation comme celui de la réparation", a brossé Naphtal Ahishakiye les causes qui expliquent l’attente toujours des dommages et intérêts de la part des familles victimes du génocide contre les Tutsi pendant plus de 20 ans

 

  1. Naphtal Ahishakiye a salué le mot d’ordre du Président de la République Paul Kagame sur les dommages et intérêt lors des assises du XIIème Dialogue National tenu à Kigali du 18 au 19 décembre dernier. "Il ne revient pas aux bourreaux de déterminer la période de paiement des dommages et intérêt", a recommandé le Président Kagame à l’endroit des chefs des gouvernements locaux (districts) d’en faire une priorité.
    Aussitôt, les autorités des instances de base ont travaillé jours et nuits pour permettre aux rescapés du génocide de siéger avec les familles de leurs bourreaux pour ressusciter les dossiers dormants sur la réparation.

La veuve Marie Mutuyimana de la circonscription de Kamonyi (Province du Sud), a été interpellée par les autorités de son secteur administratif de Rugalika afin qu’elle leur rappelle la disposition de son procès dans les Juridictions Gacaca. Le rendez-vous étant fixé un certain mardi, le comité des juges a remarqué que les bourreaux de Mutuyimana doivent lui payer deux vaches et restituer les biens ménagers qu’ils avaient pillés. On lui a signifié qu’elle devra attendre encore six mois pour avoir afin ses biens…

International Trust Fund (ITF) pour la réparation durable

IBUKA a consulté le Ministère de la Justice pour étudier un cadre durable qui permettrait à toute l’humanité de venir en aide aux rescapés du génocide contre les Tutsi. Ce cadre permettrait aux personnes généreuses et aux organisations internationales d’injecter des fonds au compte des rescapés dans un contexte d’aide et non de réparation.

C’est pourquoi IBUKA a suggéré la mise en place de International Trust Fund qui serait un Fond International d’Assistance aux Rescapés du Génocide dans un cadre d’aide et d’assistance des survivants du génocide contre les Tutsi.

"Comme ça, les personnes généreuses, les organisations internationales pourront verser leurs fonds au compte des rescapés dans un contexte strict d’aide et non de réparation", a expliqué Naphtal Ahishakiye qui a remarqué que certaines organisations internationales et individus résistent à donner leurs dons parce qu’ils seraient vus dans une optique de réparation.

"La France qui n’a jamais accepté son rôle dans le génocide contre les Tutsi, pourrait alors avoir un cadre précis de versement d’aides aux rescapés via ce fonds (ITF)", ont remarqué, Napthal Ahishakiye et Egide Nkuranga.

Un autre avantage d’ITF est celui de permettre aux bourreaux de passer à la réparation figée dans un cadre d’aide ou d’assistance aux rescapés du génocide contre les Tutsi sans devoir parler des dommages et intérêts.

"C’est une option très souple et encourageante qui interpelle tout le monde à saisir les douleurs et les souffrances des rescapés du génocide contre les Tutsi. Il y a plusieurs gens qui financeront ce fonds… ", ont remarqué ces deux personnalités d’IBUKA.

  1. Egide Nkuranga et son collègue Ahishakiye ont salué les efforts de l’Etat pour la réhabilitation sociale et psychologique des rescapés du génocide. "C’est vrai que les 21 ans écoulés constituent une grande période pour parler alors de la réparation. Mais l’Etat a commencé par les urgences : loyers des rescapés, leur scolarisation, leur accès aux soins médicaux, …

A présent, on passe à l’étape suivante qui consiste à contraindre les familles des bourreaux à verser les dommages et intérêts même si personne ne peut estimer la valeur équivalente à un être humain tué…", ont ainsi montré, Ahishakiye et Nkuranga les efforts de l’Etat pendant les deux décennies écoulées post-génocide au Rwanda.

Le génocide contre les Tutsi commis en avril 1994 revêt un caractère exceptionnel comparativement à d’autres qui ont eu lieu sur la planète comme celui des Juifs. En premier lieu, il a été question d’un peuple contre lui-même, contrairement à celui des Juifs qui a été commis par les Nazis allemands. En deuxième lieu, il s’agit de la rapidité dans les tueries. Dans une période de trois mois, les génocidaires ont décimé toute une population allant jusqu’à plus d’un million, soit toute une nation comme le Gabon effacé sur la carte mondiale qui comptait moins d’un million d’habitants à l’époque du génocide de 1994.

En troisième lieu, il a été question de rechercher des solutions exceptionnelles pour mettre un terme à plus de 180 000 détenus accusés du crime de génocide contre les Tutsi. Les Juridictions traditionnelles Gacaca ont été établies pour accélérer les procès et asseoir en revanche l’unité et la réconciliation entre les Rwandais. Chose due à bonne échéance, car en 2012, tous les procès en rapport avec le génocide ont été bouclés dans ces tribunaux traditionnels. Les exceptions ont été transférées dans tribunaux classiques.

 

 


IBUKA met en cause le taux de 80% de versement des dommages et intérêts


 


Le 1er Vice Président d’IBUKA, M. Egide Nkuranga et le Secrétaire Exécutif d’IBUKA, M. Napthtal Ahishakiye ont mis en cause le chiffre officiel déclaré pendant les assises du Dialogue National tenu à Kigali du 18 au19 décembre sur l’état d’avancement de versement de dommages et intérêts par les bourreaux. Le Ministre de la Justice, M. Johnson Businge et le Secrétaire Exécutif de la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide (CNLG), M. Jean de Dieu Mucyo, ont tous les deux, affirmé au grand public devant le Président de la République que le payement des dommages et intérêts en ce qui concerne les procès du génocide dans les Juridictions Gacaca est au seuil de 80%." Ce chiffre n’est pas réel, car s’il l’était, on n’en parlerait pas et les Maires des districts ne parieraient pas à travers leurs contrats de performance- IMIHIGO de demander que les familles des bourreaux s’acquittent nettement de la réparation", ont démontré, ces deux personnalités d’IBUKA.

"Nous n’avons pas mené d’enquête sur ce chiffre, mais ce qui est prévisible, c’est le nombre élevé des rescapés de génocide contre les Tutsi qui font toujours la queue ici au siège d’IBUKA, apportant plusieurs doléances en rapport avec la réparation", ont précisé Egide Nkuranga et Napthal Ahishakiye.

 

SB

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