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Français-anglais : la langue qui rapporte ,plus soutenue

Par 2015-04-20 07:13:00

[caption id="attachment_716" align="alignnone" width="768"]Affiche publicitaire Affiche publicitaire[/caption]

 

Le français perd de plus en plus de sa place dans l’administration et dans l’enseignement au Rwanda. A plus forte raison, la classe politique s’est d’ores et déjà débarrassée de cette langue de Molière. Les documents officiels et les affiches, aucun ne porte un seul mot en français. L’anglais a donc délibérément remplacé le français, alors plus écouté et utilisé. Les hommes et les femmes d’affaires à côté de certains Rwandais bien avertis de ce changement inattendu, apprennent l’anglais pour décrocher un marché et /ou un emploi pour être compétitifs au niveau mondial. L’exécutif rwandais fait la sourde-oreille pourvu que les Rwandais sachent que la langue qui rapporte plus, est celle qui doit être soutenue…

Au Rwanda, quand on évoque la problématique du rejet de la langue française, les autorités répondent en un même credo : "La langue qui rapporte plus est celle dont le pays a besoin". Le Président de la République Paul Kagame s’y est prononcé plusieurs fois à différentes occasions, en évoquant que l’anglais n’est pas la seule langue qu’il faut apprendre.

"Si aujourd’hui l’anglais offre plusieurs opportunités sur la scène internationale aussi bien dans le domaine des affaires que politique, demain on sera peut-être surpris d’être obligé d’apprendre le chinois suivant les circonstances de ce moment", réitèrent les mêmes officiels lorsqu’ils doivent répondre pourquoi la langue anglaise est prioritaire dans l’administration et dans l’enseignement, alors que le français est plus écouté et utilisé.

Pour en faire une illustration, il suffit de parler aux motards, aux prostituées et aux mamans dans un marché. Tous comptent l’argent en français…"Et dans le langage courant de plusieurs Rwandais, la spontanéité est en français plutôt qu’en anglais", trouve Francis Mudacumura, quinquagénaire infirmier retraité dans la ville de Kigali.

Le français a disparu, volontairement ou non sur des documents officiels, alors qu’une norme de l’Etat stipule que chaque document officiel doit être traduit dans l’une et l’autre langue entre le français et l’anglais.

Dans les universités, le français qui a servi de langue académique pour plus de cinq décennies n’y est plus ! "C’est l’anglais ou rien !", tempête KMA, une mère francophone qui a mal à comprendre ses modules en anglais pour sa formation du troisième cycle à l’Université « Mount Kenya University », le campus de Kigali.

"J’ai eu mal à remplir la fiche de demande d’emploi de la Commission de la Fonction Publique. Il n’y avait pas d’autre alternative, soit on connaissait l’anglais ou pas, un point un trait", rétorque TRB, ancien journaliste de l’Office Rwandais d’Information (ORINFOR).

Celui-ci a rappelé que les dirigeants rwandais se méfient de la règle d’or de respecter les droits des Rwandais qui ne maîtrisent pas l’anglais, autrement dit, les francophones. Cet ancien journaliste a évoqué son amertume. Il a passé un jour un teste d’emploi dans une institution publique (RALGA) qui recherchait un chargé de communication. Sur les deux questions qu’on lui avait soumises, une en anglais avait une côte de 15 points et la seconde en français de cinq points.

"D’office, j’étais pénalisé. Celui qui métrisait l’anglais était pratiquement éligible à ce poste…J’ai vite deviné mon sort sans attendre les résultats", dénonce TRB qui constate que le français a été éliminé sur tous les documents officiels, y compris sur la monnaie, la carte d’identité, le permis de conduire, les affiches publicitaires, etc.

[caption id="attachment_717" align="alignnone" width="768"]A partir de la 4 ème primaire, tous les enfants rwandais commencent à apprendre le français en 2016 (Photo Gérard Rugambwa) A partir de la 4 ème primaire, tous les enfants rwandais commencent à apprendre le français en 2016 (Photo Gérard Rugambwa)[/caption]


 

Ce qui est caché

Bien que la langue française n’ait pas visiblement de crédit dans la sphère politique au Rwanda, néanmoins, les avertis de la connaissance du français comme pilier de la maîtrise de l’anglais, sont actifs en silence. De nombreux dignitaires et familles financièrement aisées, conduisent leurs enfants dans des écoles purement francophones ou du moins qui ont continué à considérer le français dans leurs programmes d’enseignement.

"Je vois leurs enfants à l’école Belge, à la Colombière et ailleurs, où le français est considéré ", témoigne ce conducteur d’un Officier Supérieur de RDF dont les enfants parlent couramment le français. Celui-ci aurait dit à son subordonné que le français est la mère de l’anglais et que ses enfants doivent correctement maîtriser le français et l’anglais viendrait comme un complément !

Cette situation renvoie à croire que les pauvres devront apprendre l’anglais seulement, pendant que les riches permettent à leurs progénitures d’apprendre au-delà de deux langues : français et anglais.

"Je crois que les francophones peuvent se débrouiller aisément en anglais que les anglophones en français, raison pour laquelle dans l’administration les francophones s’en sortent bien et par conséquent, pas besoin du français ", a analysé ledit professeur de l’Université du Rwanda (UR) sur le pourquoi de la disparition progressive du français au détriment de l’anglais.

Cependant, les dignitaires politiques ont dernièrement annoncé que la langue française reviendrait dans le curriculum de l’école primaire à partir de l’année prochaine. "Ils seraient peut-être informés de la grogne de certains Rwandais", estime le vieux moniteur Pierre Claver Mutiwinyinya.

Devant la commission des affaires étrangères de la chambre des députés, la ministre des affaires étrangères et de la coopération, Louise Mushikiwabo, répondant à une question d’une femme député, avait témoigné que sur le plan de la diplomatie, le bilinguisme présente des avantages évidents. C’est le cas également au niveau de l’éducation et des affaires.

[caption id="attachment_718" align="alignright" width="245"]Edouard Munyamaliza Edouard Munyamaliza[/caption]

Nous voulons apprendre un peu de français

Paradoxalement, parmi ceux qui n’ont pas eu la chance d’apprendre le français durant leur enfance et qui ont eu la chance de retourner dans leur pays, on trouve ceux qui ont l’ardent désir d’apprendre le français comme John Nzabakurana qui, du haut de ses 48 ans, continue de fréquenter la salle d’apprentissage du Français à l’Institut Français de Kigali.

« Je suis ici pour apprendre le Français car on ne perd rien en se formant, moi j’ai eu la chance de voyager, je pourrais avoir besoin du Français pour mon business d’autant plus que nous sommes voisins avec le Congo Kinshasa, le plus grand pays Francophone. Dommage que mes enfants n’apprennent pas cette langue mais ils auront besoin d’utiliser le français un jour dans leur vie car le monde n’est pas que les pays anglophones. »

Encore un certain Joël Kamarampaka qui est ingénieur civil de l’Institut des Sciences et Technologies de Kigali qui a fait ses études en Anglais a exprimé ses regrets de ne pas maitriser le français car il a eu des opportunités et la barrière linguistique l’a empêché d’en profiter.

« Je voulais poursuivre mes études d’ingénierie en Français, et j’ai échoué au test du Français alors que la bourse était gratuite. J’aimerai apprendre le Français mais les opportunités que j’ai ratées ne reviendront pas. »

Il affirme sans ambages que le Rwanda n’est plus est un endroit favorable pour apprendre du Français.

« Nous sommes dans un environnement où le langage officiel se fait soit en Kinyarwanda soit en Anglais, je ne comprends même pas comment il ya des gens qui préfèrent exprimer leurs idées dans un anglais qu’ils ne maitrisent pas alors qu’ils ont une alternative de le dire en français pour être plus explicites. Les Rwandais avaient la considération à l’étranger car on les croyait bilingues mais actuellement nous parlons l’anglais que nous ne maitrisons pas que ceux qui l’ont eu depuis des années. Moi, j’aimerais apprendre le français mais ici ce n’est pas un endroit favorable. »

Le droit s’arrache, il ne se mendie pas !

Le Porte-parole de la Société Civile au Rwanda, M. Edouard Munyamaliza reconnaît que le français a encore de la place dans l’administration publique. Il a parlé du Rwanda qui est toujours membre de la Francophonie et la constitution qui stipule sur les langues officielles, à savoir : le kinyarwanda, le français et l’anglais.

Cependant, a-t-il dit, "Si une partie de Rwandais se sent pénalisée dans ses droits, qu’elle les réclame. Le droit ne se mendie pas, il s’arrache…", a-t-il ajouté. Munyamaliza a noté, toutefois, que l’anglais est une langue stratégique pour le Rwanda qui veut se faire intégrer sur la scène internationale.

"Si à présent l’anglais semble dominer au niveau mondial, pourquoi le Rwanda n’en ferait-il pas sa langue de choix stratégique ?", s’interroge Edouard Munyamaliza qui a enfin remarqué que le monde évolue très vite et par conséquent, qu’il faut s’y préparer au préalable.

Edouard Munyamaliza a calmé les Rwandais qui utilisent usuellement le français d’être encore plus prudents. Il a épinglé un fait réel en France sur l’apprentissage de la langue anglaise par tous. "Le saviez-vous ? Même en France, l’anglais commence à dominer…", a-t-précisé en montrant que l’usage de l’anglais au Rwanda n’est pas une faveur pour une partie de Rwandais, mais plutôt une nécessité à tous les Rwandais.

La Présidente de la Chambre des Députés, Mme Donatille Mukabalisa a vogué dans le même bain que le Porte-parole de la société civile, Edouard Munyamaliza. Elle a souligné que le monde utilise usuellement plus l’anglais que toutes les autres langues des Nations-Unies. Cependant elle montre que le français n’a pas été abandonné.

"Le bilinguisme est sollicité au Rwanda (français et anglais). Il peut arriver, d’ailleurs plus souvent, qu’une offre d’emploi détermine le profil des candidats à savoir : la maîtrise des deux langues. C’est pour répondre à un besoin ", a dit Mukabalisa qui ne trouve pas aucun droit bafoué des Rwandais qui utilisent plus le français.

Elle aussi a été stupéfaite de remarquer qu’en France, le français est en péril au détriment de l’anglais, d’où l’importance de plus en plus de la langue anglaise, pas seulement au Rwanda mais aussi dans le monde entier.

"Dans les institutions privées et publiques une sorte de haine contre le français se ressent. Un quelconque document écrit en français ne peut pas être lu ni traité. Les gens s’exclament avec mépris :" iki ni igiki" ?" (C’est quoi ça ?), "Ni urufaransa ?" (C’est le drôle français ?)", dénonce un agent de la réception de la Banque de Kigali qui parle très froidement le français avec les clients de la banque pour ne pas attirer l’attention de son chef qui en est très hostile.

A suivre…

Pascal Niyonsaba & Safari Byuma

 


 

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