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Médias de la haine, liberté de la presse ?

Par 2016-05-10 07:41:55

Dr Kayumba Christopher (Photo archives)

 

Alors que différents coins du monde traversent actuellement des crises économiques graves et des guerres qui créent un flux des réfugiés et des migrants, les médias ont un rôle primordial à jouer. Non seulement ils doivent informer de la situation en place mais aussi apaiser les esprits plutôt que d’attiser la haine et la xénophobie.

Il a été constaté que le rôle néfaste que peuvent jouer certains médias nait d’une manipulation des mauvais gouvernants ou des groupes organisés et cela pour des fins partisanes.

Par les informations qu’ils diffusent, ces médias dits de la haine contribuent de la sorte à réveiller ou à faire naître au sein des opinions publiques des sentiments, de racisme, d’ethnicités, xénophobie, tribalisme, voire des extrémismes religieux et politiques dangereux.
En distillant des messages de haine et en se faisant les apôtres de la violence, certains médias ont directement contribué à précipiter des sociétés dans des précipices à l’exemple du génocide perpétré contre les Tutsi rwandais en 1994.

L’expérience du Rwanda devrait servir d’exemple

Dans un entretien avec le Dr Christopher Kayumba, enseignant à l’Ecole de Journalisme et communication, ce dernier loue le pas franchi par les médias rwandais, alors que certains ont été entachés de haine et d’incitation à la violence à la veille et durant le génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Faisant allusion à ce passé tragique animé par des médias de la haine d’une prétendue liberté de la presse, Dr Kayumba mentionne trois éléments importants.

Selon lui ”il est aujourd’hui connu de tous, que ce soit au Rwanda, en Afrique voire ou au monde entier, que les médias de la haine ont existé au Rwanda à l’instar de la Radio -Télévision des Milles Collines (RTLM), le journal Kangura, Nyiramacibiri etc, et leurs informations qui incitaient à la haine contre les Tutsi invitant les Hutu à s’unir afin de les exterminer ont abouti au génocide.”

D’autre part ajoute-t-il, ”de nos jours, aucun journaliste ne peut échapper à la justice aussitôt qu’il serait reconnu coupable de propager des informations appelant à la haine, d’être impliqué dans des actes de génocide, ou d’avoir commis des crimes de guerre et contre l’humanité.”

Pour corroborer ce deuxième élément, Dr Kayumba rappelle à l’opinion que certains acteurs des médias, leurs détenteurs et leurs journalistes, ont été arrêtés et emprisonnés, non pas qu’ils ont tué des gens durant le génocide, mais parce que leurs déclarations écrites ou radiodiffusées ont eu des influences aux conséquences désastreuses durant le génocide de 1994.

C’est le cas de Ferdinand Nahimana inculpé notamment avec Jean Bosco Barayagwiza pour ”sa responsabilité dans les crimes d’incitation directe et publique à commettre le génocide et de persécution constitutive de crime contre l’humanité, pour n’avoir pas prévenu ou puni la diffusion des propos criminels par ses subordonnés à la RTLM.

Rappelons aussi que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, alors sis à Arusha en Tanzanie, n’a pas condamné Nahimana pour la création de la RTLM mais pour les propos qui y ont été diffusés et qui incitaient directement au génocide.

D’autres exemples sont ceux du propriétaire et rédacteur en chef du journal Kangura, Hassan Ngeze, Valérie Bemeriki de la RTLM ou son collègue de la même radio-télévision, le journaliste Belgo-italien Georges Ruggiu.

Néanmoins, fait remarquer Dr Kayumba en troisième lieu ”jamais les journalistes et autres acteurs de la presse n’ont pris l’initiative d’organiser des campagnes d’incitation à la haine ou de toute autre formes de xénophobie si ce n’est par une manipulation de l’Etat ou des groupes organisés”.

Alors que les dernières comparutions devant la justice des gens des médias dataient de la fin de la deuxième guerre mondiale avec le jugement des nazis qui ont commis la Shoah, les actes d’incitation à la haine perpétrés par les médias durant les crises qui ont suivi le génocide des juifs avaient été passés sous silence.

La raison est simple, dit Dr Kayumba ”les médias d’alors étaient des outils des pouvoirs en place jusqu’à ce qu’un autre génocide, le dernier du 20 ème siècle, soit venu s’abattre sur les Tutsi au Rwanda.”

Après avoir constaté qu’une mauvaise gouvernance est à la base des médias de la haine, Dr Kayumba invite les journalistes aussi bien rwandais, africains que ceux du monde entier à s’opposer à cette manipulation et agir au nom de l’éthique et de la déontologie de ce noble métier qu’est le journalisme.

La presse rwandaise repose sur les valeurs culturelles nationales

Pour sa part, Jean Bosco Rushingabiwi, lui-même expert en communication considère que ”la particularité des médias rwandais réside dans le fait que leurs activités reposent sur les valeurs culturelles nationales, mais en même temps s’inscrivent dans le contexte du développement national intégral en rapport avec lesdites valeurs.”

Selon lui, il n’est pas dit qu’ailleurs les médias ne tiennent pas compte des valeurs culturelles du milieu, mais la question reste dans leur considération en rapport avec les valeurs universelles.

”Il ne saurait y avoir de liberté de la presse qui conduise à l’incitation à la haine ni aux massacres des personnes innocentes.”
Rushingabigwi préconise un débat dans le cas ou l’une ou l’autre partie estimerait qu’elle est lésée dans sa liberté.

C’est par là même, qu’il considère que si les médias de la haine n’ont plus de place au Rwanda, c’est grâce à une bonne gouvernance qui se prête à l’écoute de ses gouvernés dont fait partie les acteurs des médias.

Selon lui, ”le style rwandais, les valeurs culturelles nationales et encore moins l’histoire de notre pays ne permettraient pas aux médias de déborder dans la diffusion des informations au nom de la liberté de presse.”

Néanmoins, il n’est pas exclu, précise-t-il, qu’il y ait des critiques factuelles, car cela aide au redressement de l’activité gouvernementale.

A ce sujet, conclut-il ” il est nécessaire de reconnaitre que le pouvoir en place, à son plus haut niveau, est favorable à une presse critique et jouissant de sa liberté. D’aucuns pourraient bien le confirmer en suivant les émissions hardtalk, les conférences de presse ou les interviews aussi bien au pays qu’à l’étranger.”

Jean Louis Kagahe

 

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