https://www.traditionrolex.com/25 France-Rwanda : lente déclassification des archives sur le génocide contre les Tutsi

France-Rwanda : lente déclassification des archives sur le génocide contre les Tutsi

Par 2016-05-30 08:37:47

RWANDA-FRENCH FORCES-HUTU-REFUGEE

Le rôle joué par la France et son soutien au régime Habyalimana qui a préparé et exécuté le génocide contre les Tutsis, demeure un sujet sensible qui, à l’heure, froisse encore les relations diplomatiques franco-rwandaises. Les archives gardées à l’Elysée qui renfermement les informations à ce sujet demeurent quasi-inaccessibles au public, chercheurs et société civile.

" Rien n’interdit plus la consultation de ces archives", qui seront à la disposition des chercheurs, des associations de victimes ou de la société civile, proclamait l’Élysée, le 7 avril 2015”, mais aujourd’hui, un an après, cette déclaration n’a réellement pas eu de portée.
Un motif particulier pour permettre la consultation des documents

La déclassification des documents renfermant les rapports qu’ont entretenus les régimes Mitterand-Habyarimana est crucial pour donner des éclaircissements sur une situation aussi sensible que le rôle présumé - joué par la France dans le génocide, et là, on parle bien qu’elle est faite pour un motif particulier. Pour Gasana Ndoba, chercheur et membre de Fondateur de l’ONG : "Les amis du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda" qui collabore étroitement avec le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda basé en France, "Bien que ces archives aient été déclassifiées et que certaines aient été consultées, c’est une déception en général, car celles les plus sensibles, voire plus utiles, sont inaccessibles". Seulement, espère le chercheur, le temps agira peut-être, et lorsqu’il n’y aura plus d’ouverture du pouvoir en place à Paris, la situation pourra évoluer. Selon lui, les revendications pour la consultation de ces documents vont continuer.

Selon l’Elysée, "déclassifier" ne dit pas "publier"

Alors que les Rwandais et le monde entier commémorent actuellement pour la 22ème fois le génocide perpétré contre les Tutsis en 1994, une information rendue publique sur le site web franceinter.fr, indique que "Contrairement aux annonces de l’Élysée, les archives de la présidence Mitterrand sur le Rwanda restent en grande partie fermées". Jusqu’ici, les demandes de dérogation pour consulter ces documents, dits "déclassifiés", ont été rejetées par l’ancienne Ministre Déléguée à la Famille Dominique Bertinotti, responsable des archives Mitterrand.

Des milliers de documents protégés (ils peuvent être classés "confidentiel", "secret" ou " très secret") concernent l’intervention militaire française au Rwanda des années 1990-1994. Parmi eux, il y en a eu des centaines que la Commission Consultative du Secret de la Défense Nationale a refusés de déclassifier, même quand la justice les a réclamés.

A l’inverse, il y a au moins un millier de documents que cette Commission a recommandé de déclassifier.
Néanmoins, pour Bertinnoti, déclassifier ne veut pas dire publier. En 1998, les parlementaires ont publié une partie de ce qu’ils avaient obtenu, mais pas tout.

En 2015, l’Elysée et Matignon annoncent qu’ils s’orientent vers une déclassification générale, sans préciser de calendrier. Dans l’immédiat, le 7 avril 2015, en présence de Madame Bertinotti, ils lèvent la protection sur 83 documents de l’Elysée conservés aux Archives Nationales. Parmi eux, 50 sont déjà connus par la fuite, et plusieurs autres ont des titres sans intérêt : l’impact attendu est faible.

La réalité est pire, car si un document est conservé aux Archives Nationales dans le même dossier qu’un autre document encore secret, alors Madame Bertinotti considère que l’ensemble du dossier est non accessible.

Actuellement, seuls deux documents pertinents sont réellement consultables (sans même de droit de les photographier). Et cela par chance, uniquement parce qu’en 1993 ils ont été archivés par erreur dans un dossier sans rapport avec le Rwanda.
Une volonté de verrouiller les archives

Déjà, le 14 juillet 2015, le chercheur François Graner, auteur d’un livre sur l’armée française et le Rwanda, paru en 2014, "Le sabre et la machette" (éditions Tribord) sollicite les Archives nationales afin de consulter les 83 documents sur le Rwanda officiellement déclassifiés par l’Élysée. Le 7 octobre 2015, la mandataire des archives présidentielles, Dominique Bertinotti rejette la quasi-totalité de la demande du chercheur.Il y a visiblement beaucoup d’arbitraire et surtout une grosse volonté des proches de François Mitterrand de verrouiller cette question. Ça semble suggérer qu’il y a beaucoup de choses à cacher. Avec les documents qui ont déjà fuité, on commence déjà à avoir un ensemble assez cohérent sur la manière dont la raison d’État a prévalu au Rwanda.

Comme on peut le lire sur le site www.survie.org, " La France a cherché à défendre sa zone d’influence, et pour cela a défendu un " régime ami ", quelle que soit l’attitude de ce régime. La perception de la France, tout comme celle de l’armée, n’a pas évolué : ni avant, ni pendant, ni après le génocide des Tutsis".

Des documents " confidentiel-défense"

La consultation de ces fonds se heurte à une difficulté matérielle : de nombreux documents officiellement déclassifiés sont mélangés dans certains cartons à des archives toujours "confidentiel-défense". Ancienne chargée de mission auprès du président socialiste (de 1992 à 1995), ex-Ministre Déléguée à la Famille dans le gouvernement Ayrault (de 2012 à 2014), Dominique Bertinotti est mandataire des archives présidentielles des deux septennats de François Mitterrand.

C’est elle qui est chargée d’accorder les dérogations à ceux qui souhaitent consulter ces fonds d’archives dits "déclassifiés".
Gardienne des Archives de Mitterrand, Bertinotti ne manque pas d’arguments pour justifier l’hostilité à mettre à la disposition des chercheurs et de la société civile ces documents "secret- défense". Selon elle, "Les archives ne sont pas faites pour alimenter des polémiques".

Ces archives ont été déposées de manière massive par François Mitterrand et ses collaborateurs, précise Bertinotti, afin de contribuer à l’écriture de l’Histoire, avant qu’elles ne tombent dans le domaine public, d’ici soixante ans. Il ne s’agit pas d’alimenter des polémiques. A elle d’expliquer bien plus que le terme "déclassification" signifie simplement qu’il ne s’agit plus d’un document "confidentiel-défense" qu’il n’est pas possible de consulter, mais ça ne veut pas dire que ces documents sont systématiquement ouverts. Pour se résumer Bertinotti avoue que "L’on peut estimer que ces documents sont trop sensibles, et que tout n’est pas consultable".

Jean Louis Kagahe

 

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