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La nuit burundaise

Par Admin 2016-10-21 11:34:12

Depuis 1965, l’histoire du Burundi est écrite en lettres de sang. Les citoyens de ce pays - qu’on dit souvent jumeau du Rwanda - ne cessent, continuellement , d’enterrer leurs morts pour ensuite les oublier et laisser impunis leurs massacreurs. D’où cette complainte de l’ un de leurs poètes, Barakamfitiye :

⦁ Senga ry’isangi riva ku Mana - Demeure commune reçue de Dieu
⦁ Kamwa amata n’ubuki - Sois trait du lait et du miel
⦁ Warahahijwe urahenaguzwa - Tu fus malmené,humilié
⦁ Kuv ikoli ntiwatembye - Tu n’as pas sombré sous les corvées[coloniales]
⦁ Iyakuremye nikuzigame - Que ton créateur veille sur toi
⦁ Ntuzogwe mu isanganya - Pour que tu ne sombres pas dans l’abȋme
[citation héritée du prince Louis Rwagasore].

Mais encore aujourd’hui, sous nos ye­ux, pratiquement en monde -vision, un génocide à compte-gouttes est en cours au Burundi, écrit notre compatriote Philibert Muzima dans La nuit rwandaise no 10 - la revue annuelle qui s’inspire du titre de l’ouvrage de feu Jean Gouteux, consacré à l’implication française dans le dernier génocide du XX ème siècle, celui des Tutsi.

Particulièrement intéressant cet article de Muzima sur un sujet inédit, sorte de tabou entouré par le silence, dans les chancelleries, sur l’éventualité d’un génocide au Burundi. Pourtant un fait indiscutable, largement documenté, selon Philibert Muzima qui en a fait tout le décryptage historique.

Le dossier établi soigneusement, méticuleusement, par Philbert Muzima se nourrit des faits irréfutables, et d’une vision particulièrement pessimiste, sur l’avenir immédiat et à long terme du Burundi.

A l’ intention d’une opinion publique internationale, aveugle, tellement indifférente que même un véritable aveugle pourrait se rendre compte que le Burundi va droit dans le mur. Seulement le monde n’est pas ”self – evident” - selon une expression d’un personnage de Shakespeare ; il ne se donne pas à voir immédiatement, même aux yeux de ceux qui jouissent d’une bonne vue, et le crime de génocide, de son cȏté, avance masqué au Burundi. Muzima, un rescapé du génocide anti-tutsi de l’été sanglant de 1994 au Rwanda a beaucoup réfléchi sur le processus de ce génocide au finishing, désormais devenu aussi inévitable.

Avril 1972 : l’hiver sur le lac Tanganyika

A cette époque, un appel sans équivoque à l’extermination systématique des Tutsi avait été d’abord lancé par UBU [Umugambwe w’Abakozi b’Uburundi] à ses irréductibles ”Inshirwarimenetse” partisans. Selon un essayiste burundais, Marc Manirakiza , auteur de Burundi [1992], ce tract d’une rare violence était ainsi libellé :
1. Levez-vous, comme un seul homme, armez-vous de lance, de machette, d’arc et de gourdins, combattez le Tutsi où qu’il soit.
2. Partisans, unissons-nous pour combattre le Tutsi, sans aucun scrupule, des officiers jusqu’aux administrateurs communaux, et n’ épargnons aucun témoin, ne nous arrêtons qu’une fois lorsque tous auront été enterrés [” dushigwe tubashubije mu kuzimu”].
3. Attaquez les ministres , les gouverneurs [des provinces], les commissaires [de police], […], les conseillers communaux et les représentants locaux de l’ethnie tutsi, de même que les leaders du parti et tuez- les avec leurs femmes et enfants jusqu’au fœtus.
4. Rivalisons de zèle [”Ni duhiganwe”], de courage et d’imagination pour venger les nȏtres jusqu’à ce qu’aucun homme, aucune femme ,aucum enfant tutsi ne restent vivants dans notre pays.
5. Qu’aucun Tutsi ne vous échappe ou ne soit mis en prison ,juste sous terre [”mpaka mushigwe mushize mu kuzimu”].

Le sigle UBU n’est pas innocent. Il s’apparentait à l’ idéologie ethno-fasciste du MDR parmehutu, dont on savait la responsabilité écrasante dans les massacres successifs des Tutsi au Rwanda , depuis novembre 1959. L’appellation ”Abarwanashaka” [partisans] était également un emprunt fait au MDR , repris plus tard, dans sa version française, par le MRND, qui en fait le fer de lance du génocide anti-tutsi, au Rwanda, en 1994. Déjà, l’affiliation idéologique génocidaire dans les 2 pays, était frappante.

A partir du 29 avril jusqu’en juin 1972, les localités burundaises de Minago,Vyanda, Nyanza Lac et Rumonge furent le théâtre d’horribles massacres à la machette commis contre les civils tutsi. Aujourd’hui, René Lemarchard, professeur à Wisconsin [USA] témoigne de l’ampleur de ces massacres dans son ouvrage édité en 2002 :
”les tueries se poursuivirent dans le sud du pays, accompagnées d’atrocités qui profilaient le génocide anti-tutsi du Rwanda , au cours de l’été 1994” , et précise :”Ils ont tué femmes et enfants, éventré des femmes enceintes et coupé en morceaux des innocents […]. A Bururi, toutes les autorités administratives civiles et militaires sont massacrées. Pendant quelques jours est proclamée, à Vyanda, une République de Matyazo, et l’on dresse un drapeau vert barré de rouge”. Cf. le génocide de 1972 au Burundi, 2002, pp.551-561.

Effectivement, une rumeur persistante se mit à circuler faisant état de la proclamation, à Vyanda, d’une ”république du soleil” excluant la communauté Tutsi et fondée sur son bain de sang. A cette destruction massive, l’opinion publique, en général, opposa une indifférence glacée. Tout au plus lui accorda-t-elle une attention distraite lorsque une répression menée par les FAB [Forces Armées Burundaises] s’abattit sur les Hutu. Mais, jusque récemment, nul dans la communauté internationale ne parla de massacres réciproques. Le silence recouvre les charniers et, à ouveau, le massacre paraît fatal.

A suivre

Jean-Baptiste Rucibigango

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