https://www.traditionrolex.com/25 La nuit burundaise (3)

La nuit burundaise (3)

Par Admin 2016-10-25 15:31:11
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Nelson Mandela au milieu, lors des négociations d’Arusha, Dr Jean Minani (à droite) et Domitien Ndayizeye (à gauche) tous du Frodebu (Photo archives)

L’ Accord de paix en trompe-l’œil d’Arusha sur le Burundi

En juin 1994, une aile du FRODEBU, menée par un ancien ministre de l’Intérieur et rival de Melchior Ndadaye, Léonard Nyangoma, un mathématicien réputé virulent, fait scission et crée un conseil national de défense de la démocratie – CNDD – dont la branche armée – FDD s’allie avec les rébellions extrémistes palipehutu, au Nord et Frolina au Sud avec des arrière-bases au Rwanda, où le FPR ménaçait de s’ emparer de la ville de Kigali. CNDD –FDD et ses alliés organisèrent des maquis au Sud –Kivu , dans l’actuelle RDC, d’où émettait leur radio, la ”Voix de la démocratie”, inspirée par le modéle de la RTLM –radio machette, et s’efforcèrent de contrȏler la contrebande régionale de l’or, et de la transformer en nerf de la guerre à leur profit.

De quels maquisads s’agissait –il ? Des zozos, entièrement dépourvus d’un minimun de culture politique, qui savaient tout juste se servir d’un fusil mais se trouvaient à l’aise en maniant des machettes. L’image de marque des mouvements de libération africains – auxquels ils aimaient se comparer – risquait de se fissurer sérieusement par leur faute.

Mais, bientôt, la zone forestière de la Kibira, sur la crête Congo-Nil, dont ils parcourent quelques recoins, devient leur repaire permanent, à partir duquel, en menant des attaques meurtrières sur les routes, contre des civils sans défense notamment, ils pourraient s’assurer du contrôle de la plaine de l’Imbo septentrional et central et isoler la capitale Bujumbura.

A l’intérieur du pays, à la lisière de la Kibira, leurs attaques nocturnes causèrent des milliers de morts, entre décembre et juillet 1996, dans les camps des ”déplacés” de guerre tutsi, et font quelques victimes parmi les ” regroupés” hutu.

En général, les paysans surtout hutu, se trouvent devant un dilemme : participer, de gré ou de force, aux exactions des rebelles où ils servaient de ”bouclier humain”, et subir des représailles de l’armée régulière qu’on disait ”à dominante tutsi”.

A la fin 1995, la situation sécuritaire du pays était devenue globalement explosive. Les observateurs internationaux parlaient, comme aujourd’hui, de ”génocide en préparation”, sans préciser de qui contre qui.

En mars 1996, les Etats de la région, avec l’appui de l’U.E, ont confié à Julius Nyerere, considéré comme un ”sage sur le continent ” vu sa solidarité active avec les luttes de libération en Afrique australe, le rȏle de médiateur.

Mais celui-ci, en dépit de toute sa bonne volonté, ne parvenait pas à discerner la complexité de la crise burundaise, il l’assimilait peu ou prou à l’Afrique du Sud-ce qui pouvait surprendre après le génocide anti- tutsi au Rwanda.

En juin 1996, par exemple, avec ses appuis occidentaux, il fit une proposition d’intervetion des armées Ugando -Tanzanienne au Burundi, qui semblait sur le point de se faire, lorsqu’il se heurta au refus du gouvernement du Rwanda. Le 26 juillet 1996, le massacre des ”déplacés” à Bugendana porta à son comble l’exaspération de la population,en particulier des Tutsi . Buyoya reprit le pouvoir avec l’appui de l’armée. Le pays fit aussitôt l’objet d’un embargo auquel il résista, mais au prix d’un appauvrissement extraordinaire et de la montée spectaculaire d’une économie parallèle mafieuse.

La politique officiellement adoptée par le gouvernement Buyoya consitait en 3 points :

i. Le renforcement de l’implantation militaire en milieu rural et regroupement des populations dans les zones non touchées par la rébellion, comme les Américains au temps de leur guerre impérialiste au Viet Nam ;

ii. La définition progressive d’un partenariat avec le principal parti d’opposition légale – FRODEBU ;

iii.  La poursuite des négociations d’Arusha placées sous l’égide de Julius Kambarage Nyerere.

Dans cette stratégie, l’ option partagée avec la communauté internationale consistant à fonder la paix sur l’accord de paix d’Arusha, était de loin le point le plus important. Mais le morcellement du champ politique burundais était devenu tel que cela semblait illusoire, avec des surenchères des factions présentes à Arusha, les dissensions internes au sein du FRODEBU et les divisions entre les modérés et radicaux dans l’UPRONA.

”Le Burundi, écrit Jean-Pierre Chrétien, était en fait piégé depuis longtemps entre 2 extrémismes dont les acteurs refusaient de reconnaître leurs erreurs historiques : la nébuleuse tutsi dite de Bururi qui exerçait toujours son emprise sur l’armée, et la nébuleuse hutu nostalgique du modèle rwandais des années 1960, qui refusait d’admettre l’impasse dans laquelle la nature génocidaire de son projet avait plongé le pays” . Cf . L’Afrique des Grands Lacs –Deux mille ans d’histoire, [2000],p.300.

Dès leur début, les négociations d’Arusha sur le Burundi se révélèrent d’une complexité déconcertante. Autour de la table des négociations, il n’y avait pas seulement 2 parties, mais des dizaines de protagonistes, qui demandaient la lune au médiateur tanzanien.

En plénière, les discussions durèrent un temps interminable. Histoire de faire prolonger la durée des négociations et engrager les ”per diem” richement payés par les Nations Unies et les pays occidentaux partenaires dans la médiation . Mwalimu Julius K.Nyerere, premier médiateur, et le président Nelson Mandela, second médiateur, qui, tous deux ont vécu, plutȏt sobrement, dans leur vie, en furent dégoûtés, mais demeurèrent sereins.

Pendant que des kyrie lles de demandes ne cessèrent d’affluer et que les débats étaient intenses et houleux , sur le terrain, au Burundi, chacun des belligérants tentait un renversement de rapport de forces.

Le cessez-le feu, malgré l’insistance des 2 médiateurs, tanzanien et sud-africain , ne fut guère respecté. Les dissensions internes, qui couvaient dans les factions, furent accentuées. C’est probablement durant cette période que Pierre Nkurunziza évinça Léonard Nyangoma à la tête du CNDD-FDD, en usant des méthodes expéditives.

Désormais les corps de ceux qui s’opposaient à l’ascension irrésistible de Nkurunziza allaient être répartis entre les différents cimetières de la Kibira, dont le propre frère de Nyangoma, responsable du service médical du CNDD-FDD.

Les négociations durèrent deux ans pendant lesquels le plus clair temps fut consacré à un sujet exclusif : le partage du pouvoir entre les factions rivales ou, en anglais, ”sharing power agreement”.

Pierre Buyoya apposant sa signature sur l'accord d'Arusha (Photo archives)

L’ Accord de paix définitif fut, enfin , signé le 28 août 2000. Il permit au Burundi une accalmie relative pendant une décennie. Mais , en institutionnalisant l’identité ethnique et le partage du pouvoir selon le principe de ”quotas ethniques”, il portait en germe tout le potentiel des conflits ultérieurs. Sur cette base, les porte-feuilles ministérieurs, les sièges au parlement ne se disputent pas d’après les critères habituels de compétence ni d’un projet de société rassembleur, mais en se référant uniquement aux ”quotas ethniques” fixés à Arusha.

Conséquence inéluctable de cette ”démocratie des quotas” : le parlement burundais bat le record mondial du plus grand nombre de députés quasi-analphabètes. Pas étonnant qu’ils aient conduit leur pays au chaos actuel.

A suivre
Jean-Baptiste Rucibigango

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