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Nyaruguru : des mineurs cueillent le thé

Par 2016-04-11 07:51:16

[caption id="attachment_2921" align="aligncenter" width="759"]Les enfants travaillent dans les plantations au grand jour (Photo Gasarabwe) Les enfants travaillent dans les plantations au grand jour (Photo Gasarabwe)[/caption]


 

Durant cette période des vacances scolaires, les mineurs écoliers et élèves originaires des secteurs Kibeho, Mata, Ruramba, Rusenge et Cyahinda sont très nombreux dans les travaux de cueillette des feuilles de théiers dans les plantations de l’usine ”Thé de Mata”. Ils y travaillent pendant plus de 10 heures pour gagner moins de 400 frw par jour. Pour les encourager, pendant les heures de travail, ils bénéficient de la part de l’usine de la bouillie gratuite.

Cette motivation a attiré plusieurs d’autres enfants qui, au départ, n’avaient pas l’intention d’aller dans ce genre de besogne interdite par la loi rwandaise. Ils quittent les foyers familiaux pour aller goûter à ces ”faveurs” données par l’usine.

Selon, les témoignages des enfants et de leurs parents recueillis sur place, un enfant débutant qui a travaillé pendant plus de 10 heures gagne entre 300 et 400 Frw tandis qu’un enfant expérimenté et courageux recevra entre 800 et1.000 Frw par jour.

”Ma fille a actuellement 15 ans. Elle est en 6 ème primaire. Elle travaille dans ces plantations depuis l’âge de 9 ans. Au début, elle récoltait 10 à 15 kg de feuilles et gagnait moins de 300 Frw/par jour. Aujourd’hui, ce sont les vacances. A 15 ans, elle gagne facilement plus de 25.000 Frw par mois.

L’équivalent d’un salaire mensuel d’un homme adulte qui travaille dans un champ privé. Avec cet argent, ma fille satisfait elle seule, ses besoins de base.” Déclare Alphonsine Mukamusoni, la mère d’une enfant travailleuse, plutôt fière d’elle.

”Pendant la période de l’école, nous travaillions en cachette et nos salaires étaient versés sur les comptes de nos collègues adultes qui nous apportaient ensuite notre argent après le retrait. Mais actuellement ce sont des vacances. Nous travaillons en toute quiétude. On ne se cache pas. L’usine nous apporte de la bouillie et le samedi, on nous paye cash.” Raconte Aline Tuyishime, une fillette de 11 ans.

Les parents divergent sur les conséquences néfastes du travail de leurs enfants

Etienne Mazimpaka (nom fictif ) est un homme âgé de 54 ans, habitant le secteur de Kibeho. Il est père de 6 enfants dont l’ainée est âgée d’à peine de 16 ans. Mazimpaka a de la peine à couvrir convenablement les besoins de base quotidiens de ses 6 enfants. Du coup, 3 parmi eux ont regagné les travaux interdits dans les plantations et Paul a, quasiment, fermé les yeux. Deux parmi eux, ont abandonné l’école définitivement.

”C’est difficile de trancher pour les parents comme Etienne qui a plusieurs enfants en charge et qui aimeraient bien les éduquer. Mais actuellement, ils ont appris à manipuler l’argent. Pendant la journée, les enfants quittent la classe et vont directement aux plantations, sans passer par la maison. Ils rentrent tard la nuit avec cet argent Sali.” Dit Laurent Ndayambaje, un voisin et ami de Paul.
”Je travaille sur le compte de maman. A chaque pesée des feuilles, le contrôleur note les kilos sur la fiche de salaire de maman. C’est elle, qui, à la fin du mois, ira à la banque pour toucher l’argent. C’est bon. Maman n’a pas assez de force, c’est la façon de l’aider.” Déclare Aline Igihozo, un enfant habitant le village de Nyange dans le secteur de Kibeho.

” J’ai une fille et un garçon, âgés respectivement de 14 et 11 ans. Pour le moment, je suis capable de les prendre en charge moi-même. Je souhaiterais qu’ils soient polis, qu’ils fassent l’école et que plus tard, ils m’aident dans certains travaux familiaux simples, comme le transport du fumier dans les champs, la recherche du bois de chauffage, etc. Mais aujourd’hui, ils partent très tôt le matin et rentrent à la maison vers 19h00. Je n’ai aucune autorité sur eux. L’argent qu’ils gagnent, je ne sais pas ce qu’ils en font. C’est moi qui fais tous les travaux domestiques et cela devient impraticable. L’usine manipule nos enfants et déstabilise les familles.” Déclare une autre mère du secteur Rusenge et qui a requis l’anonymat.

La direction de l’usine nie les faits

Actuellement dans le district de Nyaruguru et spécialement dans les secteurs proches de Kibeho, le mode de vie de la population est en cours de mutation. La région quitte le mode de vie rurale vers la vie citadine.

Une personne adulte n’accepte plus de travailler pour un salaire inférieur à 1000 Frw par jour. Et puis, dans cette partie du district, il y a en ce moment, des travaux intensifs d’Ubudehe (VUP), où ils touchent entre 1.000 et 1.500 Frw.

Ainsi donc, l’usine qui offre un salaire de 25 Frw par kg de feuilles n’a plus de preneur. Or c’est la saison de pluie, les feuilles poussent rapidement. Le seul moyen de stabiliser la production serait de recruter les mineurs. Ils sont choyés, motivés avec des bouillies.

Cependant à l’usine, l’on ne reconnait pas que l’on fait travailler les enfants. ”Notre usine n’a jamais employé et n’emploiera jamais de mineur. La loi et les directives sont claires. Tout le personnel de l’usine est payé à la banque. En principe, un enfant âgé de moins de 16 ans n’a pas droit à un compte bancaire. Comment pouvons-nous employer quelqu’un que nous ne payerons pas. C’est impossible.” Déclare Yves Mungwakuzwe, directeur de l’usine.

Les autorités du district ferment les yeux

La route principale qui relie Huye et Nyaruguru, passe à côté des plantations de ces théiers. La plupart des autorités du district empruntent ce chemin, chaque jour matin et soir. Ce qui laisse présager que ce genre de travail est vu et su puisque ces mineurs, qui pensent qu’il s’agit de leur droit, ne se cachent pas. Mais le district laisse croire qu’il n’est pas informé sur ce travail des mineurs.

”Pour le moment, nous n’avons pas encore d’informations précises sur ce genre d’activités des mineurs dans notre district. Des consignes claires ont été données aux responsables des usines concernant l’interdiction du travail des mineurs. Les responsables des usines nous déclarent tout le temps que ces consignes sont respectées. Nous n’avons pas encore de preuves matérielles quant à la présence de ces enfants dans les plantations de théiers.” A déclaré, Innocent Nsengiyumva, division manager du district de Nyaruguru.

Certaines mesures peuvent aider

Selon un expert, travaillant pour une ONG s’occupant des droits des enfants, tout est question d’ajustement de prix. ” Si l’usine augmente les prix qu’elle offre sur le kilogramme de feuilles récoltées, elle aura la main d’œuvre suffisante. Mais s’elle le maintient à 24 Frw le kilo, elle aura des difficultés à convaincre les travailleurs journaliers adultes. ” A-t-il indiqué.

” Il faudra également rappeler aux enfants et aux parents, le caractère contraignant de la loi sur les travaux interdits aux enfants. Les parents et à priori les enfants ne savent pas que cette loi existe.” A-t-il proposé.

Domice Gasarabwe


 

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