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Rôle de Nyirarumaga dans la poésie royale

Par 2015-03-27 08:37:45

[caption id="attachment_530" align="alignnone" width="800"]La poèsie royale était accompagnée de danses à la cour du Roi La poèsie royale était accompagnée de danses à la cour du Roi[/caption]


 

En tant que genre littéraire, la poésie symbolique serait d’une grande antiquité au Rwanda. Ce genre fut, cependant, restructuré et considérablement enrichi et développé par la Reine Mère Nyiraruganzu Nyirarumaga, mère adoptive et co-régnante du grand Roi du Rwanda Ruganzu Ndori, dit encore "Ruganzu-Mutabazi", le plus illustre des rois du Rwanda.

En effet, la Reine mère Nyiraruganzu Nyirarumaga fut l’une des plus grands architectes de la littérature rwandaise. Selon la Tradition, Nyirarumaga établit une institution royale appelée "Intebe y’Abasizi", (le siège, ou la chaise des Poètes), dont le rôle était de promouvoir et de préserver l’art de la composition poétique symbolique.

La reine mère elle-même composa un certain nombre de poésies, ainsi d’ailleurs que son grand fils Ruganzu Ndori, précise le grand écrivain de la culture rwandaise l’abbé Alexis Kagame.

La Reine Mère Nyirarumaga était, non pas la mère biologique de Ruganzu (car ce dernier était orphelin) mais sa mère spirituelle, ayant été intronisée avec lui comme reine-mère, car la coutume dispose que la Consécration royale (ubwimika) doit être donnée au couple formé par le roi et à sa mère, en tant que deux pôles d’un même pouvoir.

C’est dans ce sens que Ruganzu avait donc choisi une jeune fille qui lui avait rendu, selon les termes d’Alexis Kagame, « des services signalés », elle l’avait caché en sa maison pour le soustraire aux tueurs envoyés par Byinshi, son oncle maternel et néanmoins implacable ennemi.

Lorsqu’il devint impossible de le cacher plus longtemps, la maison étant cernée de toutes parts, elle lui avait conseillé d’emprunter la voie souterraine. Il avait creusé un trou au centre de la maison de la jeune fille, et avait ainsi pu s’échapper par un tunnel, le fameux « Umwobo w’Inyaga ».

Ce fut la Dame Nyirarumaga qui réunit et codifia les connaissances accumulées par les générations précédentes et institua un nouveau système pour recueillir et enregistrer les données nouvelles. Elle créa, à cet effet, une structure permanente appelée Intebe y’Abasizi, le « Siège des chroniqueurs » (du verbe gusiga : laisser derrière soi, enregistrer pour la postérité).

Les chroniques des Abasizi, se présentent sous une forme poétique au symbolisme très élaborée et difficile d’accès. Alexis Kagame, qui est sans conteste le grand spécialiste de la poésie, précise que les Abasizi, ou « Aèdes compositeurs », comme il les appelle, se retiraient dans la solitude et le silence (kujya mu nganzo) pour puiser l’inspiration dont ils ont besoin pour leurs compositions.

Le siège des poètes

On peut d’abord dire que « inganzo »  est une mine dont le céramiste extrait son argile, mais aussi les mines royales de Mushongi « Inganzo za Mushongi. » Par extension et de manière figurée, une mine de trésors.

Ce terme, qui qualifie le lieu de la retraite aussi bien que l’état de silence et de recueillement, prélude à la composition poétique, suggère que les poètes (Abasizi) se mettaient en condition de puiser dans ce que le grand sage oriental, Patanjali, a appelé "le nuage de pluie des choses connaissables".

C’est ainsi que cela suggère que les poètes se connectaient aux niveaux subtils de conscience, recueillaient ce qu’ils pouvaient y percevoir et tentaient de l’exprimer dans un langage poétique, d’ailleurs assez hermétique. C’est à cette notion que se réfère l’expression "gukama ijuru" (traire le ciel), en rapport avec le service médiateur de Ruganzu.

Selon la légende, le grand Roi-Sauveur trayait le ciel pour nourrir le Rwanda, qui est la terre. Il s’agissait autant de la pluie que du lait, indique l’écrivain Alexis Kagame.

C’est dans ce sens qu’il est dit que Nyiraruganzu Nyirarumaga, pour mieux organiser et pérenniser les structures qu’elle avait fondées, institua un « Intebe y’Abasizi », ou siège des poètes. Le terme intebe signifie siège, chaise, ou chaire. Il s’agissait donc d’un institut consacré à l’étude de cette branche des connaissances traditionnelles.

Dans ce cadre, l’abbé Alexis Kagame informe que les poètes Abasizi se relayaient à la Cour royale, et sans doute dans les cours des seigneurs provinciaux, « Abatware b’Umwami, » pour enseigner tant les adultes que les jeunes Intore, ou élèves de l’Ecole royale. Le terme « intore » vient du verbe gutora, kwitoza, qui dit s’entraîner ou apprendre.

Toujours selon l’abbé Alexis Kagame, les premiers poètes furent les élèves de la Reine Mère Nyiraruganzu Nyirarumaga, qui, « ayant rassemblé les connaissances anciennes, qu’elle compléta par de nouvelles compositions, recruta un groupe d’hommes et de femmes à qui elle communiqua ces connaissances, tout en leur apprenant l’art de l’Inganzo, ou composition inspirée, l’art de la méditation.

En bref, l’abbé Alexis Kagame résume le rôle de la grande Souveraine en ces mots : " Une femme, appelée Nyirarumaga, qui aurait habité à Gihogwe cya Jali, fut choisie comme reine-mère adoptive du nouveau monarque, en reconnaissance de services signalés rendus à Ruganzu II au cours de sa lutte… La nouvelle reine-mère devait s’illustrer en notre histoire par ses propres moyens, sans devoir rien emprunter au renom de son fils adoptif. Ce fut elle, aux dires d’une tradition incontestée, qui créa la forme actuelle du genre littéraire de la Poésie dynastique", indique Alexis Kagame.

 

Chantal Namukunzi


 

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