https://www.traditionrolex.com/25 Génocide : de grands chanteurs massacrés

Génocide : de grands chanteurs massacrés

Par 2015-04-06 16:51:49

[caption id="attachment_594" align="alignnone" width="768"]Le Chanteur Cyprien Rugamba et sa femme Daphrose Mukansanga , tué pendant le génocide (Photo archives) Le Chanteur Cyprien Rugamba et sa femme Daphrose Mukansanga , tué pendant le génocide (Photo archives)[/caption]


 

Les planificateurs du génocide perpétré contre les Tutsi n’ont pas épargné les musiciens, malgré leur part considérable dans l’éducation socioculturelle dans la société rwandaise. Des musiciens de grands renoms et d’autres membres des groupes musicaux ont été les cibles des génocidaires en 1994. 

En effet, les grands chanteurs dont leurs noms et leurs chansons ne peuvent pas s’effacer facilement dans la mémoire des Rwandais tels que Cyprien Rugamba (connu pour son groupe Amasimbi n’Amakombe), le chanteur guitariste Rodrigue Karemera, André Sebanani, Loti Bizimana et d’autres groupes appelés à l’époque Orchestres Impala, Abamararungu, Nyampinga,…,  n’ont pas pu échapper au génocide perpétré contre les Tutsi en 1994.

Passionnés de la musique traditionnelle, ces grands musiciens avaient une compétence exceptionnelle de composer des chansons en utilisant un langage codé ou symbolique, qui exprimait la façon d’être, de penser et d’agir des Rwandais en se basant sur les valeurs culturelles rwandaises.

On peut tout juste donner quelques exemples pour montrer leur compétence dans la composition des chansons puisées dans la tradition rwandaise. Dans les années 1990, le chanteur Bizimana Loti composa une chanson qui s’appelle « Ikantarage » (qui signifie très lointain). Dans son langage codé, le chanteur voulait véhiculer le message contre l’injustice qui se remarquait dans ce temps-là.

En se basant sur l’analyse faite par Faustin Kabanza sur la musique rwandaise, trouvée sur le site www.afriquinfos.com, le chanteur, pour s’attaquer à l’injustice, s’est adressé à un personnage imaginaire d’« ikantarage » qui était un lieu symbolique où une catégorie de gens vivait dans l’abondance alors que leurs voisins connaissaient la misère ou la vulnérabilité.

Il chante dans un langage codé poursuit-il, en disant en Kinyarwanda : « Dore ko byinshi by’ubu buzima ntawe ubizi, bucyanayandi ni umwana w’umunyarwanda, » dans une traduction approximative, il voulait seulement dire que « l’avenir reste inconnu, personne ne peut le maitriser, tout peut changer, tout peut être renversé d’un jour à l’autre. »

C’était un message consistant donné au pouvoir politique et dans peu de temps il n’a pas tardé à se réaliser. C’était un conseil. Si les politiciens de l’époque s’en étaient rendu compte, le génocide n’aurait peut-être pas pu avoir lieu.

Un autre exemple à ce sujet concerne la chanson du chanteur populaire rwandais, poète et historien de formation, Cyprien Rugamba. Ce dernier avait un talent de composition des chansons en utilisant un langage figuré ou symbolique et ses chansons retenaient beaucoup l’attention de ses auditeurs ou ses fans.

Au-delà de la symbolique, c’est surtout le message pédagogique véhiculé par ses chansons qui retient l’attention. Dans sa fable chanson « Agaca » (épervier), l’auteur est intrigué par la mise en scène des volailles, des rapaces et des êtres humains (pour ne parler que sur les catégories des Rwandais). C’était aussi dans les années 90, la période où des pressentiments ne promettaient pas du bien pour l’avenir du pays. Il l’exprime en ces termes :

« Jya wihisha ushyire kera ngo urusha abandi ubwenge, Ukomeze wice abantu mu mayeri, Umunsi utabikeka uzakacirwa. Nugira ngo urahunga bibe iby’ubusa, Jya wirinda iby’abandi, Itegeko urigire intwaro urikurikire cyane winumire », précise l’analyste Kabanza. 

C’est-à-dire, « tu te caches (derrière tes mauvais actes) et tu crois que tu es le plus habile de tous, tu continues à tuer discrètement (tes compatriotes), le jour viendra où tu seras traqué, tu auras tenté d’échapper mais en vain. Désormais, évite le bien d’autrui, que la loi devienne ton arme, pour le reste tu seras bien tranquille

.

 » 

D’autres groupes des chanteurs ou individus, ont chanté certaines valeurs notamment « les salutations en kinyarwanda », comme étant une des particularités identitaires des Rwandais.

Eulade Mboneye dans sa composition « Indamutso : salutations », chante presque intégralement les diverses formules de salutations existant dans la culture rwandaise comme : (mwaramutse, gira so/nyoko, gira abana, gira umugabo/umugore, gira Imana y’i Rwanda,…), bonjour, aies ton père et ta mère, aies les enfants, aies un mari/ aies une femme (des vœux pour fonder une famille), aies le dieu du Rwanda, … ; mentionne l’analyste Kabanza.

Ce chanteur interpellait les jeunes pour mieux garder ce patrimoine intergénérationnel. Veiller à ce qu’il ne soit pas envahi ou supplanté par des cultures intrusives, a-t-il dit.

En effet, tous ces chanteurs ci-haut mentionnés qui jouaient un rôle considérable dans la préservation des valeurs culturelles, cohésion sociale, gestion des conflits à l’amiable, et j’en passe, n’ont pas pu échapper au plan du génocide.

D’autant plus que la musique constitue, un des arts qui existe depuis longtemps au Rwanda, depuis lors, elle est un canal qui manifeste les valeurs de la culture rwandaise. A travers les différents messages (le contenu), d’une part, la musique rwandaise montre et/ou matérialise les pensés des dirigeants (politiciens

) et de dirigés (population) d’autre part.

Il est à noter que la nouvelle génération dans la musique rwandaise devrait s’inspirer de leurs ainés, pour pouvoir éclairer la société rwandaise, afin de mieux construire durablement, un bon avenir du pays.

Chantal Namukunzi


 

 

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