https://www.traditionrolex.com/25 ”Maria Yohana”

”Maria Yohana”

Par 2015-07-08 07:21:18

[caption id="attachment_1499" align="aligncenter" width="703"]Maria Yohana (Photo Gérard Rugambwa) Maria Yohana (Photo Gérard Rugambwa)[/caption]


 

 

Le parcours de la compositrice d’”Intsinzi”}

De l’enseignante à une chanteuse connue du pays des mille collines en passant par la mobilisatrice par ses chansons lors de la guerre de libération, tel est le parcours de Madame Marie Jeanne Mukankuranga que les autres appellent affectueusement Maria Yohana. Son chef d’œuvre est la chanson ”Intsinzi” dont la popularité a dépassé les limites du Rwanda. Cette liane qui ne plie pas sous le poids de l’âge puisqu’elle a 72 ans trace son itinéraire.

Née en 1943 à Kibungo actuel district de Ngoma, Marie Jeanne Mukankuranga est veuve et sans enfants car tous ces enfants sont morts pendant la guerre de libération du Rwanda, elle est la troisième enfant d’une famille de 13 enfants.

Très tôt elle a perdu sa mère à l’âge d’une année révolue, elle et ses grandes sœurs furent élevées par leur belle mère et leur père. Elle apprécie l’amour et la tendresse de sa belle mère.

”Quand nous avons perdu notre mère, notre papa a dû se remarier et notre belle mère a été comme notre maman, elle avait de l’amour maternelle.”

Marie Jeanne Mukankuranga a fait ses études primaires à Zaza près de la deuxième mission catholique du Rwanda. Elle est catholique convaincue comme on peut le remarquer par le chapelet qu’elle porte tout le temps.

Après cinq ans d’études primaires, elle a été admise l’école ménagère de Save qui était dirigée par les religieuses. Ne pouvant pas supporter la vie de Save, elle a poursuivi ses études à Zaza toujours l’école ménagère post primaire qu’elle a terminée en 1955.

A cette époque, les filles apprenaient les cours généraux comme les mathématiques, le français, l’histoire, la géographie, la religion et on y ajoutait la puériculture et les arts ménagers comme le tricotage, la cuisine, faire le lit et mettre de l’ordre au salon. Bref, elles apprenaient à être des femmes modernes.

A la fin de sa formation post primaire, elle a été recrutée comme enseignante à l’école primaire de Rwamagana (elle a expliqué qu’il y avait 2 écoles normales féminines au pays à savoir Save près d’Astrida et Muramba dans le Kingogo).

”J’ai enseigné à Rwamagana de 1955 à 1957, de 1958-1961, je suis retournée chez moi à Kibungo pour y exercer mon métier d’enseignante. C’est en 1961 que j’ai fait mon mariage.”

En août 1961 lors que sa fille ainée avait seulement 8 jours, Marie Jeanne a dû fuir le Rwanda vers l’Uganda comme tous ses compatriotes qui étaient la cible des persécutions.

Une femme combattante à l’exil

La vie de l’exil pour Marie Jeanne Mukankuranga a été des plus pénibles.

”J’étais avec ma famille et au début l’abbé Léonard Rubumbira nous a installés près de la mission catholique de Nyamitanga non loin de Mbarara en Uganda. Mais par après le gouvernement ougandais nous regroupait dans des camps de réfugiés. Je fus installée à Nshungerezi”.

Pour des raisons de recherche de survie, son marie a vécu séparée d’avec Marie Jeanne et celle-ci a éduqué seule ses trois enfants jusqu’en 1989. Dans le camp de réfugiés, elle a continué son métier d’enseignement dans des écoles primaires.

Elle se rappelle que le mois juin de chaque année c’était la fête des réfugiés et c’était une occasion pour les Rwandais d’organiser les manifestations culturelles. ”Nous, les enseignants, on apprenait aux jeunes rwandais les chansons du Rwanda, on leur rappelait que l’on était à l’étranger même si l’on ne savait pas comment retourner au Pays.”

”La prise de conscience a eu lieu quand les jeunes rwandais et nos maris se sont regroupés dans le rassemblement dit ”RANU” qui fut le soubassement du Front patriotique Rwandais.

Au début, la sensibilisation se faisait dans le plus grands secret. En 1989, j’ai commencé à composer des chansons comme ”Twaje Inkotanyi z’amarere.” Le 1er octobre 1990, les enfants ont franchi le Rubicon par le poste frontalier de Kagitumba et c’est le début de la guerre de libération.”
La musique pour libérer mon peuple

Marie Jeanne Mukankuranga est une musicienne de longue date, elle dit que son père lui apprenait les chansons de l’Eglise pour une messe paroissiale. Quand elle est devenue enseignante, elle a continué à faire des chansons pour ses écoliers et à l’occasion de la fête des réfugiés elle avait des numéros à présenter.

Lors de la guerre de libération, elle composait des chansons pour appuyer le moral des combattants sur le front. ”En 1993, l’on a senti qu’il y avait quelque chose qui manquait dans la sensibilisation sur le front. Il ya eu l’idée de créer la troupe culturelle Indahemuka. Il y avait Kamaliza Annonciata qui était dans l’armée, il y avait mes trois collègues enseignantes Florida Mukabaramba et Valérie Mukankuranga, et il ya eu d’autres comme Protais Murayire, feu Kalinganire … et les jeunes. Nous avions des messages à faire passer je me souviens que nous avons composé ”Icyicari cyacu gitsinze igitego” avant les négociations d’Arusha.

L’auteure de la chanson ”Intsinzi” en 1992 qui présageait la victoire des forces de libération a rappelé que leurs chansons tournaient autour de l’unité, la lutte contre la corruption.

Malgré ses 72 ans, sauf que l’artiste n’a pas d’âge car il n’existe pas l’âge d’un artiste, Marie Jeanne Mukankuranga dont la suavité du dialogue invite son interlocuteur à toujours écouter, promet de continuer de chanter quand sa voix le lui permet.

Elle dit que sa seule récompense est d’avoir un pays où elle jouit de tous ses droits. “ Ce qui me fait plaisir c’est que j’ai un pays et que je jouis de tous mes droits de citoyen libre et honnête”, dit Marie Jeanne Mukankuranga.

Un entretien reçu par Pascal Niyonsaba


 

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