Homme de grand renom dans les deux Kivu en RDC et au Rwanda post-génocide, Gisanura Nkingamuheto Frédéric vient de publier un livre qui véhicule sa pensée philosophique qui relève du "Positivisme" ! Il prétend que la vie est un combat héroïque, où l’échec n’est pas permis ; ceci étant corollaire du choix judicieux, d’ores et déjà bien étudié et assimilé par la personne en question. A 75 ans, sa mémoire est encore très fraîche, il narre son parcours comme si c’était hier.

Portrait !

Les grands hommes et femmes dans le Zaïre (RDC), ceux du Burundi et du Rwanda, nombreux ont connu l’enseignant Frédéric Gisanura Nkingamuheto au cours de leur formation scolaire et académique. L’homme qui est né le 12/12/1940 au Rwanda dans la préfecture de Butare, sud dans la circonscription de Simbi, a vu son destin le conduire au Burundi, au Zaïre et dans son pays natal, le Rwanda, juste après le génocide perpétré contre les Tutsi de 1994.

Après ses études primaires faites dans son village de Kabusanza (Butare) et à Kansi dans la même préfecture, Gisanura est orienté en 7ème année préparatoire au sein de l’actuel Collège de Kitumaini (Petit Séminaire) de Bukavu, le tout premier collège du Congo Rwanda-Urundi. C’est pendant la période coloniale. Il continue ses études secondaires au Collège Saint Paul de Bukavu (Sud-Kivu) où il se démarque par son intelligence.

En 1963, le jeune Frédéric Gisanura quitte Bukavu pour rejoindre Bujumbura. Il y fréquente l’Université Nationale du Burundi. Par manque de bourse, il interrompt ses études pour trois ans. Il décide alors de devenir enseignant à l’école secondaire de Musema. La nature n’a pas tardé à lui faire sourire. Il décroche une bourse et il s’envole vers Kinshasa pour raisons d’études. Frédéric Nkingamuheto s’oriente à l’Université de Louvain en la faculté de Philosophie et Lettres- Groupe Histoire. A l’époque, les étudiants n’avaient pas l’option de choix des facultés, dit-il. En 1971, le voilà en sorti gradé licencié…

Gisanura Nkingamuheto : philosophe positiviste à l’œuvre…

"A quelque chose, malheur est bon ! ". Le talentueux Frédéric Gisanura Nkingamuheto a dû attendre son accident (2005) qui a fracturé son fémur gauche pour alors écrire un livre qui véhicule sa pensée philosophique.

Pendant quatre mois, allongé sur son lit, il s’était posé maintes questions sur la Créature Céleste. Du coup, c’est la condamnation de Dieu et vite sa reconnaissance comme Dieu Miséricordieux qui donne à l’homme toutes les options d’avoir des solutions adéquates à ses problèmes.
Il titre son essai philosophique en kinyarwanda : "Ubuzima ni uguhitamo no guharanira kubaho neza/ Ibibazo n’ibizubizo. Autrement dit "La vie est un combat héroïque, où l’échec n’est pas permis/ Défis et solutions”.

Ce philosophe atteste qu’il a trouvé en lui la force pour revivre comme un homme normal, au lieu d’être abattu et découragé par son triste sort… A priori, on le voit orienter sa pensée dans le courant philosophique dit "Positivisme" d’Auguste Comte, car il démontre que l’homme, avec son intelligence, il apporte des solutions à ses problèmes.

En effet, "le positivisme" se veut comme un courant qui considère que seules l’analyse et la connaissance des faits vérifiés par l’expérience peuvent expliquer les phénomènes du monde. La certitude en est fournie exclusivement par l’expérience scientifique.

Dans cet ordre d’idée, Gisanura note que dans la vie, il y a toujours des épreuves, mais aussi des ouvertures. Il revient alors à l’homme de faire d’abord un choix judicieux et une décision bien étudiée pour en tirer bonheur et goût à la vie.

Il en illustre cette maxime selon laquelle : "Le bonheur dépend du choix et des orientations de la vie, mais il faut bien choisir, car notre réussite dépend de notre choix et de notre engagement".

Le vieux Gisanura part du principe qui veut que l’homme est doté de la capacité de discernement et d’analyse du bien et du mal. "Il faut bien choisir, parce que toutes nos actions ont de la motivation et des conséquences. Or l’homme est doté d’intelligence…il n’y a pas de raison d’échec ni d’être malheureux…Nous portons tous des dons et des possibilités d’être heureux", a-t-démontré.

Son essai philosophique est destiné aux Rwandais en premier lieu qui ont connu le drame horrible du dernier siècle (génocide) afin qu’ils se ressaisissent et deviennent héros vis-à-vis de leurs multiples problèmes socio-économiques ; et en dernier lieu au reste de la population de toute la planète.

Gisanura est aussi auteur de deux pièces de théâtre : Le testament d’un sidéen et le prix d’un mari idéal. Les deux ont été écrites à Goma (RDC) en 1992, lorsqu’il était enseignant au Collège Mwanga.

Les bons moments

Le philosophe Gisanura n’a jamais rêvé devenir prêtre. Depuis son jeune âge, il se sentait très mal à l’aise à faire d’homélie, voilà pourquoi les sollicitations de ses supérieurs prêtres ont accouché d’une souris.

En 1971-1973, le lauréat de l’Université de Louvain est professeur assistant à l’Institut Supérieur Pédagogique à Kinshasa. Il passa à l’Institut de Gestion du Portefeuille (IGP) de 1973-1975 pour devenir encore une fois enseignant à Bubandana chez les Frères Maristes, c’est au Sud-Kivu (1981-1988). C’était après la zaïnirisation 1974 (privatisation) qui avait abouti, plus tard, à une situation politico-socioéconomique précaire, marquée par la chute de la monnaie zaïroise face au dollar américain.

En 1988 Gisanura décide pour aller à Goma (Nord-Kivu) pour enseigner au Collège Mwanga jusqu’en 1994, lors du retour au bercail des anciens réfugiés rwandais.

En 1994-1995, il est nommé Sous-préfet de la Préfecture de Gisenyi. Il joue un rôle moteur dans le rapatriement des réfugiés, et puis en 1996, il est transféré au Ministère de l’Administration locale (MINALOC) en qualité de Chef de Divison des Affaires Politiques. Il s’en va au Ministère des Terres (1998) comme Chef de Réinstallation dans la circonscription de Gisenyi.

En 2001, Gisanura va à la retraite bien qu’il pouvait exercer d’autres fonctions comme être Directeur du Centre de Formation des Aveugles à Masaka/Kigali (2006-2010).

Au Rwanda post-génocide, Frédéric Gisanura Nkingamuheto salue certains faits majeurs comme la libération du Rwanda, le développement multisectoriel du pays, la façon dont le Rwanda a résolu le problème d’unité nationale par le biais des juridictions populaires Gacaca, la gouvernance du pays qui assure un avenir certain de la jeunesse et enfin, l’accès à la technologie qui révolutionne le mode de vie des Rwandais. Quand Dieu permettra la fin à sa vie, il préfère mourir en douceur après une courte maladie !

Safari Byuma