[caption id="attachment_2210" align="aligncenter" width="770"] David Munyurangabo (Photo Safari Byuma)[/caption]

 

David Munyurangabo est ancien rebelle au sein des "Inyenzi", un mouvement politico-militaire qui combattait contre le régime monolithique et extrémiste au Rwanda depuis 1962. Combattant dans la guérilla durant tout son jeune âge, il opéra, tant bien que mal, en Tanzanie, au Burundi et au Congo (ex Zaïre) à la recherche des armes et minutions, en vue du retour des réfugiés rwandais. Il participa aux attaques de Bugesera, Gisaka, Nyungwe et d’ailleurs. Au Congo, il rencontra Che Guevara pour la coalition. Portrait !

Il n’est pas aisé de dresser le parcours de ce révolutionnaire rwandais originaire de Nyanza, sud. Il a vécu une grande partie de sa vie au maquis comme un combattant irréversible au sein du mouvement politico-militaire dénommé abusivement : "Inyenzi" (cancrelat ndr). Sinon, le mouvement était appelé : "Ingangurarugo", un nom historique d’une armée du Roi.

Par sa nature d’un homme qui ne cède pas facilement et qui se bat à jamais pour sa propre cause, on lui avait attribué d’autres noms. Il porta le nom de "Rukungu" pour le fait que son occipitale n’était pas assez dégagé, et puis "Rutwerukomeye" (tête dure) pour son esprit revendicatif et combatif…
Né à Nyanza le 15 décembre 1943 dans la localité de Rwabicuma, Rutwerukomeye s’exile au Burundi en 1961 après ses études secondaires au Collège de Gitwe, sud. A l’époque, le Parti pour l’Emancipation Hutu (PARMEHUTU) était hostile aux Tutsi. Ceux-ci prirent la fuite dans les pays voisins.

Très vite, il partit en Tanzanie pour intégrer le mouvement révolutionnaire des Ingangurarugo (Inyenzi) dans le camp des réfugiés de Muyenzi dans la province de Ngara. Rukungu avec ses camarades de lutte, organisent des attaques sporadiques dans la zone de Bugesera (sud-est), à Gisaka (est), à Butare et à Gikongoro (sud) via la forêt de Nyungwe. Les succès sont notables, mais par manque de minutions et d’une mauvaise organisation des troupes, il fallait chaque fois passer au repli… Devant ce défi, les Inyenzi côtoyèrent les Lumumbistes qui étaient battus de plein fouet par les éléments de Kasavubu du Congo. Ils acceptèrent de vendre leurs armes aux Inyenzi.

En 1963, les Inyenzi conquirent le camp militaire de Gako à Bugesera avec une moindre peine. "Hélas, nous savions aussi forger nos propres armes dotées des détonateurs terribles", s’exclame David Munyurangabo qui cite le nom d’un arabe, Mwarabu Masahani, qui fabriquait des armes pour les Inyenzi. A plusieurs reprises, les Inyenzi ont marché sur Bugesera, Gisaka, Buyenzi (Butare) et Gikongoro.

Munyurangabo en prison

Les Inyenzi qui opéraient en Tanzanie et au Burundi principalement, avaient provoqué une brouille politique entre le Rwanda et le Burundi. En vue de mettre un terme à cette crise, les pays hôtes des Inyenzi commencèrent à les pourchasser et à les mettre en prison.

Rukungu échappe de justesse à son expulsion vers le Rwanda. Ses camarades : Numa, Mpambara, Nyabujangwe sont livrés au Rwanda et immédiatement exécutés par le régime Grégoire Kayibanda. Rutwerukomeye, lui est emprisonné en Tanzanie (Ngara). En conditions désastreuses, il continua à garder son moral haut. Lors d’un match de football qui avait opposé les détenus et une équipe du lieu, le fameux Rukungu marqua un but sans beaucoup d’efforts.

Très enthousiasmés, les gendarmes proposèrent à David Munyurangabo d’être le capitaine de l’équipe des détenus. Il accepta sous condition d’aller au camp des réfugiés de Muyenzi pour ramener ses biens. Depuis lors, il n’y revint plus.

Rukungu prit alors la route vers le Burundi vers le camp des réfugiés de Kigamba après une marche à pieds de 48 heures. Là, il y rencontra ses camarades qui organisèrent des attaques (1963) à Nemba à Bugesera, depuis les camps de réfugiés de Kigamba, Kayongozi et Muramba. Les Belges qui se battaient du côté du gouvernement rwandais, renoncèrent à malmener les Inyenzi…

Rutwerukomeye fut encore en prison de Mpimba (Bujumbura) avec ses 31 camarades dont Kayumba, Shindiriya, Mugabe Louis, Rutembesa et Nyagahungu. Ils étaient accusés de tous les crimes et par conséquent, candidats à l’expulsion vers le Rwanda.

Par chance, le Président Micombero du Burundi refusa de les transférer au Rwanda (1965). Encore une fois, Rutwerukomeye put échapper de justesse sous le nom d’un fugitif, David Bagirishya, qui avait terminé sa peine de 25 ans de prison. A l’instant même, Rutwerukomeye prit le chemin du maquis vers le Congo, où il y rencontra le révolutionnaire, Che Guevara.

Munyurangabo combat au rang de Muleliste au Congo

Un bataillon des réfugiés rwandais de 400 hommes combattait dans les rangs des rebelles Mulelistes dont Munyurangabo. Ils participèrent aux attaques d’Uvira, Baraka, Mbogo, Fizi, Kamvimvira et sur d’autres fronts proches de Kalemi au Sud-Kivu.

Ils avaient l’objectif de collecter des minutions et des armes pour attaquer encore le régime de Kayibanda. Selon Rutwerukomeye, la Russie, la Bulgarie, la Chine et le Cuba, fournissaient des armes aux Mulelistes de Katanga (Congo). Le révolutionnaire internationaliste, Che Guevara, combattait au rang des Mulelistes et compatissait à la cause des Inyenzi.

Les Mulelistes qui en avaient marre à résister aux forces gouvernementales congolaises, ont renoncé à la guerre. Les Inyenzi furent alors obligés de retourner au Burundi. Ils étaient les bienvenus dans ce pays, car le pouvoir en place croyait à leur appui contre les opposants hutu d’envergure.

En avril 1966, les Inyenzi ont attaqué la région de Gisaka (Kirehe) mais avec moins de succès, car le Roi fugitif Kigeri Ndahindurwa ne compatissait pas, en plus de la mésentente au sein des Inyenzi et du manque d’armes et minutions. Depuis lors, les attaques des Inyenzi cessèrent jusqu’en 1990, où les Inkotanyi (FPR) débutèrent de nouvelles attaques.

Entre temps, David Munyurangabo était devenu grand commerçant au Burundi, faisant des navettes entre le Burundi et le Kenya. Bien avant, il avait du mal à être accepté par les autorités burundaises, mais il trouva faveur auprès du Président Bagaza par le canal de son beau-père : Rutagamirwa.

En 1984, il intégra le mouvement RANU (Rwanda Alliance National Unity) qui devint plus tard le FPR. En qualité d’un cadre dévoué au sein de FPR, Munyurangabo a continué sa lutte même au front. Après le génocide contre les Tutsi, dès la victoire du FPR, il retourna au pays. En 2001, Munyurangabo devint Commissaire à la Commission Nationale de Démobilisation et de Réintégration. Il croit en Dieu et il est fidèle adventiste du 7ème jour. Il n’a pas de préférences culinaires particulières. Il souhaiterait une mort douce pas vraiment à l’âge très avancé. Il a écrit un livre sur son parcours.

Safari Byuma