https://www.traditionrolex.com/25 Interview : Lyhotely Ndagijimana : le dévoué pour les domestiques

Interview : Lyhotely Ndagijimana : le dévoué pour les domestiques

Par 2016-03-21 14:38:25

Mr Ndagijimana Lyhotely (Photo ADBEF)


 

Les travailleurs domestiques courent plusieurs problèmes dont la violence et toutes ses diverses formes psycho-sociales. Leurs patrons sont les plus souvent pointés du doigt, alors que très peu d’organisations veillent en particulier, à la promotion de leur bien-être. Lyhotely Ndagijimana n’a pas attendu toute assistance pour dénoncer leurs droits bafoués. A travers son ONG (ADBEF), ils sont formés et  apprennent les bonnes manières pour la cohabitation. Interview !

La Nouvelle Relève (LNR) : En qualité du Président de l’Association pour la Défenses des droits, de Développement durable et du Bien-être Familial (ADBEF), qui sont ses bénéficiaires ?

Lyhotely Ndagijimana (LND) : Tous les groupes vulnérables sont bénéficiaires d’ADBEF. Tout au départ, nous avons ciblé les travailleurs domestiques qui courent plusieurs problèmes dans les ménages de leurs maîtres.

LNR : Comment est venue l’idée de plaider pour la cause des travailleurs domestiques ?

LND : L’idée m’est venue en 2006. Un bon jour, j’ai croisé un enfant en plein sanglot sans assistance. Il était chassé par sa maîtresse et personne ne lui demandait pourquoi il pleurait. Je fus choqué dans mon profond intérieur, ce qui m’a motivé à plaider la cause des travailleurs domestiques. En effet, ils constituent un groupe social dont les droits sont bafoués. Du coup, j’ai eu l’idée de créer l’ADBEF pour les former sur leurs droits, leur expliquer ce qu’est le VIH/SIDA et les moyens de prévention ainsi que sur les bonnes manières de cohabitation.

LNR : Quelle est l’approche que vous utilisez pour les inviter à être formés ?

LND : Nous avons au départ contacté les autorités des instances de bases. Nous leur avons informé de l’ampleur du problème de ces travailleurs. Ensuite, nous sommes passés porte par porte et maison par maison pour échanger avec leurs maître (ses) sur le bien-fondé de la formation de leurs travailleurs domestiques, chose qu’ils ont acceptée. Nous avons recruté ceux de Nyakabanda, Gitega et Kimisagara, trois secteurs du district de Nyarugenge (Kigali).

LNR : Qu’est-ce que vous leur dites alors ?

LND : Plusieurs thèmes nous intéressent. Ces travailleurs domestiques ont été formés sur la lutte contre la violence, l’épargne, la reproduction, les droits de l’homme et autres sujets utiles à vie. D’une manière générale, les travailleurs domestiques sont sujets de violence commise par leurs maître (ses). Ils n’ont aucune notion sur l’épargne et ils demeurent très ignorants en matière de reproduction. Les filles tombent enceintes et deviennent mères précocement. Il revient alors à l’ADBEF de les avertir et des les former pour qu’ils soient utiles à eux-mêmes et à leurs familles. Depuis 2009, environ 500 travailleurs domestiques ont été formés. Ils ont à présent de petits bétails dans leurs villages qui aident à la survie de leurs familles.

LNR : Qu’est-ce qu’ils ont en commun les garçons et filles travailleurs domestiques ?

LND : Ils ont les mêmes problèmes au seuil de 80%. En gros c’est la violence, le travail dur pendant le jour et la nuit, la discrimination et autres faits sociaux déshumanisants. Curieusement, les garçons sont convoités par leurs maîtresses qui leur proposent directement ou indirectement les rapports sexuels. L’un d’eux nous a informés que sa patronne l’a invité dans sa chambre pour redresser son moustiquaire, alors qu’elle était nue. On comprend que les garçons aussi courent les risques d’abus sexuel... Les maîtresses peuvent aussi inviter leurs domestiques à partager de l’alcool avec pour objectif de passer aux relations sexuelles.

LNR : Qu’est-ce qu’on reproche aux travailleurs domestiques ?

LND : Ils sont aussi responsables de plusieurs fautes : de fois ils peuvent voler de l’argent, violer les enfants et dans certains cas, empoisonner… Mais ils réagissent ainsi à titre de vengeance pour un droit leur refusé ! L’ADBEF qui assure leur formation enregistre à présent des résultats positifs : ces travailleurs domestiques tissent de bonnes relations avec leurs patrons et membres de famille, ils sont devenus plus responsables qu’avant. Quand on les observent, ils ont une bonne mine à leurs yeux, car le climat de travail a changé…

LNR : Combien sont-ils payés ?

LND : A présent, leur salaire varie entre 10 et 20 mille Francs Rwandais (13 à 26$) par mois, mais rien n’empêche que certains petits domestiques perçoivent 7 mille Francs Rwandais (9$). Les patrons qui agissent ainsi, considèrent leurs travailleurs domestiques comme des esclaves. Ils ne peuvent pas réaliser qu’ils font travailler leurs subordonnés dans des conditions inacceptables : ils se réveillent très tôt et se couchent plus tard.

LNR : Quels sont les conditions pour leur recrutement ?

LND : Rien qu’un travailleur domestique assidu et obéissant. Jamais, je n’ai attendu parler d’ethnie. Les patrons exigent aussi un certain âge, le sexe et le port d’une carte d’identité.
LNR : Croyez-vous qu’un jour les Rwandais renonceront à recourir aux travailleurs domestiques ?

LND : Je ne crois pas, c’est une question bien enracinée dans leurs mentalités. Plusieurs familles croient qu’avoir un domestique chez soi est un signe de richesse. Malgré la diversité des appareils électro ménagers (machine à laver, cuisinière électrique ou à gaz pour cuisiner et autres), un travailleur domestique aura toujours sa place dans la société rwandaise. Il faut une forte campagne pour briser cette mentalité. L’Etat est prié d’en prendre une responsabilité prépondérante.

Propos recueillis par Safari Byuma


 

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