https://www.traditionrolex.com/25 Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Par 2015-04-24 14:57:54

[caption id="attachment_805" align="alignnone" width="768"]Le port d’une CI à mention ethnique tutsi équivalait à une condamnation à mort (Photo archives) Le port d’une CI à mention ethnique tutsi équivalait à une condamnation à mort (Photo archives)[/caption]


 

Suite de 1227

A Kigali, le programme génocidaire débute dès le 7 avril 1994 au matin : le couvent des Pères Jésuites, le centre Christus, sis à Remera est attaqué par un groupe de militaires qui forcent les portes des chambres et celles- ci cèdent. Un prêtre hutu est séparé du groupe et autorisé à quitter les lieux. Les autres, les pères Chrysologue Mahame, Octave Ugirashebuja et Patrick Gahizi sont tués, ainsi que 5 prêtres diocésains tutsi hébergés provisoirement dans ce couvent. Le surlendemain, une scène similaire se joue à la paroisse de Gikondo, au centre d’un bidonville où les milices Interahamwe du parti gouvernemental faisaient régner la terreur depuis 2 ans, à partir de février 1993.

Le 9 avril à l’aube, des militaires et des miliciens armés de machette investissent les lieux. Les réfugiés, rassemblés dans la chapelle, sont contraints à sortir sous la menace des armes et à présenter leur carte d’identité à mention ethnique. Sélectivement, les Hutu sont invités à retourner dans leurs domiciles. Les Tutsi, au contraire, sont massacrés impitoyablement, sans distinction d’âge et de sexe.

Un officier polonais de la MINUAR- Mission des Nations Unies l’assistance au Rwanda- témoin de l’événement décrit, en termes très pathétiques, cette extermination systématique, froide et horrible, contre les Tutsi, qui sera généralisée bientôt sur toute l’étendue du pays : Les militaires des ex- FAR utilisent leurs fusils automatiques. À la machette, les miliciens tailladent les bouches, coupent les bras, les têtes, mutilent avec une particulière prédilection les parties génitales des femmes.

Les Tutsi doivent disparaître sans laisser de traces. Le lendemain, les Interahamwe reviennent achever des blessés cachés dans quelque recoin obscur de la chapelle ou des mourants agonisants. La « guerre » qui commençait ainsi était clairement un génocide. Cf. notamment Major Maczka, cité par Linda Melvern, Complicités de génocide. Comment le monde a trahi le Rwanda, Paris, Karthala, 2010, p.233.

Pourtant il existe des plumes parfois connues, qui banalisent ou relativisent les terribles réalités du génocide contre les Tutsi et prônent continuellement, avec un degré du ridicule rarement atteint, le négationnisme et le révisionnisme absurdes de la même nature qu’à l’égard des Juifs d’Europe frappés par la Shoah ou du génocide des Arméniens, dont le 2/3 ont été exterminés en 1915 dans l’Empire ottoman. C’est là le double phénomène intolérable pour le genre humain en général que cet article se propose de cerner les différents aspects, sa genèse, son étendue, sa capacité de nuisance dans les relations internationales et, s’il y a lieu, formuler des suggestions à ce sujet.

Afin qu’il ne puisse y avoir une quelconque ambigüité, nous indiquons d’emblée nos sources : notre étude se réfère à plusieurs travaux de recherche recoupés, notamment à « Rwanda, Racisme et génocide- l’idéologie hamitique », ouvrage résultant d’une collaboration du professeur Jean- Pierre Chrétien avec Marcel Kabanda, - ce dernier un historien franco- rwandais qui partage son temps entre la recherche scientifique et la promotion de la mémoire sur le génocide contre les Tutsi. Tous deux ont été, par ailleurs, des experts du TPIR à Arusha dans le procès sur les Medias de la haine- selon l’expression célèbre du professeur Jean- Pierre Chrétien.

1994 : une « guerre interethnique » pour occulter un génocide 

On sait que la communauté internationale est restée aveugle devant ce qui se passait au Rwanda au moins jusqu’à la fin du mois de mai 1994, marqué par des commémorations du cinquantième anniversaire de la chute du nazisme, a offert plusieurs illustrations de l’indifférence officielle, notamment en France.

Le 10 juin 1994, le président Mitterrand prononce un beau discours à Oradour- sur – Glane sur « un monde où les Oradour ne seront plus possible », sans un mot sur le Rwanda, théâtre d’un génocide que plusieurs autorités avaient pourtant commencé à dénoncer en tant que tel, y compris son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, à Bruxelles le 16 mai précédent.

Le 1er juillet suivant, le Premier ministre Edouard Balladur s’incline devant les victimes de la Shoah à Auschwitz, en compagnie de Simone Veil elle-même une rescapée de la Shoah : un éditorial de Libération note qu’au Rwanda la France prétend au contraire « rester neutre en face d’un génocide ». Cf. Libération du 5 juillet 1994.

Le même refus de voir s’observe à l’ONU en avril 1994 : le Secrétaire général Boutros Boutros- Ghali et son représentant à Kigali, le Camerounais Roger Booh Booh, occultent la situation réelle auprès du Conseil de sécurité. Les massacres systématiques de Tutsi et de Hutu « complices », sont décrits comme des « violences de rue » commises par des groupes civils et militaires incontrôlés, dans le cadre d’une reprise des hostilités entre les ex- FAR et le Front patriotique rwandais. Le général canadien Roméo Dallaire, que l’ONU laisse à Kigali avec 450 hommes pour tenter de sauver l’honneur des Casques bleus et dont les alertes auprès de ses supérieurs à New York restent sans effet, l’écrira dans ses mémoires :

 

« Ce n’était pas une guerre avec d’un côté des vainqueurs et de l’autre des vaincus. Nous nous trouvions dans un abattoir, cependant il nous faudrait encore des semaines avant d’oser appeler cette guerre par son vrai nom ». Cf. R. Dallaire, J’ai serré la main du diable, p.361.

 

A suivre…

Jean Baptiste Rucibigango


 

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