https://www.traditionrolex.com/25 Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Par 2015-05-11 09:56:07

[caption id="attachment_894" align="aligncenter" width="769"]L'épave de l'avion présidentiel abattu  le 06 avril 1994 L’épave de l’avion présidentiel abattu le 06 avril 1994[/caption]


 

Suite de 1229

Une prise de conscience va se faire jour néanmoins, en France comme ailleurs, grâce à l’action de milieux associatifs et intellectuels. Mais le brouillage mental qui a facilité la perpétration du génocide va se poursuivre dans trois directions : la création d’un abcès de fixation sur la question de l’attentat du 6 avril 1994, le retour récurrent d’un discours racial hérité de l’époque coloniale et enfin, la fascination de thèses conspirationnistes. Ces trois thèmes s’enchevêtrent en fait, sous les mêmes plumes, sur les mêmes sites de l’internet et autour de la même obsession anti hamitique, exportée de la région des Grands lacs vers une sphère globalisée. Cf. J-P Chrétien et Marcel Kabanda, op.cit., P.382.

[caption id="attachment_895" align="aligncenter" width="769"]Les experts en balistique ont démontré que les missiles visant le Falcon présidentiel venaient du camp militaire Kanombe Les experts en balistique ont démontré que les missiles visant le Falcon présidentiel venaient du camp militaire Kanombe[/caption]


 

Un attentat dont on ne sait rien et dont on parle tant

Dès le début, cet événement fonctionne non seulement comme un déclencheur de la violence, mais comme un argument de sa légitimation. Dans les premières heures les extrémistes hutu accusent les Belges d’avoir tué « leur président » : cela « justifie » l’exécution de dix Casques bleus et entraîne le départ du contingent belge de la MINUAR. Le lieu de tir des missiles est soumis d’emblée à des interprétations différentes : vers le camp militaire de Kanombe ou sur la colline de Masaka.

Cette deuxième hypothèse s’impose rapidement comme une évidence dans la bouche des journalistes de la RTLM : dès le 13 avril Georges Ruggiu affirme : « Après une enquête minutieuse tout porte à croire que cet avion a été descendu au départ d’une position non officielle : position Masaka des soldats belges de la MINUAR »  ; le 22 avril, Valérie Bemeriki y revient : «  […] l’affaire la plus grave à l’actif de ces bandits [les Belges] en date du 6 avril [94], c’est l’assassinat perpétré par eux contre son Excellence le président de la République, le Général- Major Habyarimana Juvénal, au départ des positions que ces bandits détenaient à Masaka. Par la suite de cette élimination du Chef de l’État, les inyenzi-inkotanyi [les « cafards-maquisards », terminologie appliquée au FPR] ont repris les combats ».

Cette accusation est liée, on le voit, à la dénonciation d’une complicité avec le FPR, qui serait le vrai responsable de l’attentat, justifiant ainsi la « colère populaire » contre tous les « cafards » tutsi. Début avril 1994, un journal de Bujumbura affirme que « d’après des experts militaires » [burundais ou étrangers ?], l’attentat « a été perpétré par le FPR en conspiration avec les militaires belges faisant partie de la MINUAR ». Cf. l’organe du Frodebu no 35avril 1994.

L’attentat est donc instrumentalisé dès le début, au Rwanda même et aussi dans les milieux français soucieux de défendre leur politique dans ce pays. Et pourtant, aucune enquête réelle n’est pendant longtemps menée sur cet attentat, dont le déroulement reste dans un brouillard propice à toutes les hypothèses. Ce sont des recherches récentes qui ont mis en lumière les conditions techniques de sa réalisation et le fonctionnement simultané de la propagande des acteurs du génocide.

Un rapport d’expertise judiciaire a démontré en 2012, sur la base d’une analyse balistique et d’une enquête acoustique rétrospective, que les missiles visant le Falcon présidentiel venaient de la zone où se trouvait le camp militaire Kanombe et non de la colline de Masaka.

Aucune des deux positions n’était sous le contrôle du FPR, mais son infiltration à Masaka pouvait passer pour plus crédible et le site était apparemment plus pratique pour le tir, alors que le site de Kanombe requérait des tireurs particulièrement expérimentés et à l’aise dans cette zone contrôlée par la Garde présidentielle.

Ce constat met en cause la fiabilité des informateurs qui avaient lancé le faux bruit sur Masaka en 1994, manifestement pour dissimuler la nature des tireurs. Lire le rapport des juges Nathalie Poux et Marc Trévidic. Cour d’appel de Paris, 5 janvier 2012.

D’autre part, un témoignage recueilli auprès d’un ancien agent du renseignement militaire rwandais, chargé des écoutes radio à Gisenyi, montre que parmi les messages de l’ennemi « interceptés » par cet espion se glissaient des textes forgés en fait par le responsable du Deuxième bureau, le colonel Anatole Nsengiyumva. [L’agent- espion s’appelle Mugenzi, un tutsi- mugogwe qui avait subtilisé une carte d’identité hutu ; témoin au TPIR, il vit actuellement à Kigali, sous une adresse connue]. Trois d’entre eux ont été émis dans la matinée du 7 avril.

Le premier félicitait « notre escadron renforcé » pour sa « réussite brillante » et évoquait l’aide apportée par « la communauté belge et des éléments du pays du Sud ». On notera que les Casques bleus belges étaient délibérément visés ainsi que des Burundais [« le pays du Sud »]. Un autre message était supposé appuyer de manière rocambolesque ce « plan » attribué au FPR :

« Si le président de la République est tué, on peut dire que nous sommes sûrs de la victoire. […] [Je] vous confie la mission de terminer le projet comme je vous l’ai précisé. Le plan est presque terminé. Les gorilles [Hutu] ont échoué et les bergeronnettes [Tutsi] ont gagné le match ».

A suivre…

Jean Baptiste Rucibigango


 

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