https://www.traditionrolex.com/25 Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Le négationnisme et le révisionnisme du génocide contre les Tutsi

Par 2015-05-18 15:29:48

[caption id="attachment_958" align="aligncenter" width="769"]Le génocide contre les Tutsi a emporté plus d'un million d'individus en 100 jours Le génocide contre les Tutsi a emporté plus d’un million d’individus en 100 jours[/caption]


 

Suite de 1230

L’effet fut immédiat : un rapport établi le 7 avril 1994 par un capitaine togolais de la MINUAR, Apedo Kodjo, se termine sur une information donnée le jour même par un major rwandais [le major Bernard Ntuyahaga proche du colonel Nsengiyumva], et selon laquelle « they monitored RPF conversation which stated “Target is hit ˮ ». Il faisait ainsi écho aux « renseignements » venus des services de Gisenyi. Cela va conduire effectivement des spécialistes de la région à y voir la preuve de la culpabilité du FPR.

Ainsi, dans la ligne de la « propagande en miroir », était ficelé un montage qui permettait à la fois de susciter une reprise des hostilités, de donner les pleins pouvoirs aux extrémistes du Hutu power, de déclencher le génocide et d’abuser la communauté internationale.

A vrai dire, le débat médiatique et judiciaire sur cet attentat ne touche nullement à la nature du génocide, dont on voyait monter la menace depuis des mois. Le sabordage des accords d’Arusha par les forces du Hutu power et la montée de la tension « ethnique » orchestrée sur la RTLM depuis le début de l’année 1994 étaient suffisamment éloquents.

Nous ne prétendons d’ailleurs pas, quant à nous, être experts ni en balistique, ni en enquête de police. Ce qui retient ici notre attention, c’est le rôle que la presse française notamment a fait jouer depuis une dizaine d’années à cet événement dans les débats sur le génocide des Tutsi.

Or, se concentrer sur cela serait aussi pertinent que si on discutait à l’infini de l’assassinat perpétré le 28 juin 1914 à Sarajevo contre l’archiduc François- Ferdinand, pour expliquer l’éclatement de la Première Guerre mondiale. Lire J-P Chrétien et Marcel Kabanda, op. cit. , p.285.

L’attribution à tout prix de l’attentat au FPR exprime le souci de la mouvance extrémiste hutu et de ses partenaires de contrecarrer les informations accablantes sur le génocide, en attribuant celui-ci au camp des victimes, c’est- à- dire en faisant des Tutsi les responsables de leur propre extermination, à laquelle se serait ajouté un « deuxième génocide », celui des Hutu victimes des représailles du FPR.

Le 28 juin 1994, cette accusation est lancée sur Antenne 2 par le capitaine Barril, l’ancien « gendarme de l’Elysée », devenu entrepreneur en sociétés de sécurité et en contact avec la famille Habyarimana depuis au moins 1992 : il présente un objet métallique dont il affirme qu’il s’agit de la « boîte noire » du Falcon 50, il explique que l’attentat a été commis par des « terroristes du FPR » depuis la colline de Masaka. Il ajoute que les massacres au Rwanda dont parle la presse à l’époque relèvent « de la désinformation ». Malgré leur incongruité, ces propos sont emblématiques de tout un courant qui, en France, va cultiver le déni à l’égard de la réalité du génocide.

Chaque génocide est accompagné d’un négationnisme. La panoplie de celui du Rwanda a été suffisamment analysée : les « atavismes tribaux », la « colère populaire », le « double génocide », le rôle d’une « internationale tutsi ». Tous les arguments se heurtent au sourire narquois qui accompagne des phrases rituelles telles que : « vous ne connaissez pas les Tutsi ». Comme on disait dans les années 1930 : « vous ne connaissez pas les Juifs ». Une idéologie s’exprime aussi à travers les non-dits, les plaisanteries et les insultes.

L’attribution de l’attentat au FPR a fonctionné de manière très significative : successivement ont été mis en avant la boîte noire du Falcon, les missiles, les révélations de pseudo- repentis, de nouveau la boîte noire qu’on prétendra avoir retrouvée dans un placard de l’ONU à New York et qui s’avérera être une boîte noire de Concorde.

La colline de Masaka, contrôlée en fait par des proches du régime, est décrite comme une passoire accessible au FPR et, après l’enquête Trévidic, il se trouve en 2012 des gens pour affirmer qu’à Kanombe aussi, aux portes du camp de la Garde Présidentielle, n’importe qui pouvait se promener tranquillement en avril 1994. Est-ce ce pour dire que les Tutsi ont un don d’invisibilité ?

Quant on a décidé de croire en une version, les explications les plus loufoques peuvent passer. Pendant ce temps, l’opinion est distraite et oublie l’essentiel, au fil et à mesure que les témoignages sur les atrocités du génocide s’éloignent dans le temps. La conscience de génocide s’en trouve brouillée, voire gommée, par un feuilleton policier. Ibidem, p.386.

Sur l’air de la révélation

C’est moins le contenu que la forme adoptée par ces « révélations » qui est significative d’une tournure d’esprit. A l’issue du génocide, alors que l’heure des bilans critiques semblait venue, le thème de l’attentat est relancé en juillet 1994 dans Libération par le journaliste Stephen Smith.

Il affirme que, sur la base d’une « centaine de témoignages », « la plus plausible des différentes hypothèses » est une « monstrueuse présomption : que le Front patriotique rwandais, ait pu commettre l’acte entraînant le génocide de ses partisans ».

A suivre

Jean Baptiste Rucibigango


 

 

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